LE « DOUGHNUT » DE KATE RAWORTH
Une image d’un « Donut » (la viennoiserie) permet de bien faire la différence entre la nourriture qu’on désire (l’intérieur, le sein du Donut) et les deux « extérieurs », au centre et à la périphérie ! On fait ainsi apparaître un « plancher » et un « plafond », entre lesquels on souhaite être.
Voyons maintenant ce que cela donne si le Donut est la métaphore de notre économie
Pour construire son « Doughnut », l’économiste Kate Raworth utilise d’une part, la plupart des 17 Objectifs de développement durable (ODDs) socio-économiques qui doivent atteindre un plancher minimum pour qu’on puisse évoquer une vie « décente » ou « heureuse » ET, d’autre part les limites planétaires définies par l’équipe du prof Rockström (qui correspondent entre autres aux 4 ODDs environnementaux) pour le plafond à ne pas dépasser, sous peine d’approcher des ‘points de bascule’ et de dérégler les écosystèmes de manière irréversible.
Examinons le fameux Doughnut, notre boussole pour XXIe siècle plus en détails.
Entre le plancher, la base sociale (en rouge) du bien-être humain et le plafond (en vert) que l’empreinte écologique ne devrait pas dépasser, et donc à l’intérieur, au sein du Donut, se trouve l'espace sûr et juste pour l'humanité, celui au sein duquel devrait se développer l’économie régénérative et distributive.
Les 12 éléments de base de la vie socio-économique (tous repris parmi les 17 ODDs) devraient idéalement se situer au-dessus du plancher, au sein du Doughnut : une nourriture suffisante (2), 6 de l'eau potable et des installations sanitaires (6), l'accès à l'énergie (7), l'accès à l'éducation (4) et aux soins de santé (3), un logement salubre (11), un revenu minimum (1) et un travail décent (8), l'accès à la justice et à l’information (16), au soutien social pour réduire les inégalités (10), sans oublier les inégalité de genre (5).
Les objectifs socio-économiques qui apparaissent encore « à l’intérieur » du cercle rouge, sous le plancher, montrent un shortfall (déficit, manquement).
De même, mais ici pour ne pas dépasser le plafond écologique et les 9 frontières globales des scientifiques suédois, les 3 flèches vertes indiquent qu’il faudrait rester dans le Doughnut. Ce n’est malheureusement pas le cas pour Biodiversité, Climat, Cycles du phosphore et de l’azote et Utilisation des terres.
Les comparaisons entre pays sont interpellantes en matière d’inégalités (revenu/habitant) :
- Le Malawi a un Doughnut quasiment vide pour ce qui concerne le socio-économique, puisque pratiquement tous les indicateurs sont sous le plancher, en fort déficit. Par contre, le Malawi n’exerce pas d’impact dommageable sur l’environnement (empreinte environnementale faible, sous le plafond). L’injustice profonde est qu’il subit néanmoins les conséquences des dépassements du monde développé (ressources, changement climatique, pollutions).
- La Chine est dans une situation mixte mais doublement dommageable : plus de 50% des indicateurs sociaux sont en déficit et plus de 50% des indicateurs environnementaux dépassent les limites.
- La Suède est le parfait élève au niveau socio-économique mais on voit combien l’empreinte écologique des Suédois excède les limites.
Il y a donc un lien évident entre d’une part l’augmentation du PIB, du progrès socio-économique (c’est bien) et d’autre part, l’empreinte écologique (c’est mal!).
Un graphique reprenant la position de tous les pays par rapport aux minima socio-économiques à atteindre et dépasser) et aux limites environnementales (à ne pas dépasser) confirme cette observation. Aucun pays n’approche de la situation désirable, « douce » pour l’humanité, qui combinerait le respect des limites planétaires avec l’atteinte des minimas socio-économiques.
Les pays pauvres et peu développés (dont l’Inde) devraient se développer pour offrir les minima sociaux à leurs citoyens sans augmenter leur pression sur l’environnement. Les pays « émergents » ont amélioré leurs indicateurs socio-économiques mais cela s’est fait au détriment des limites biophysiques et doit donc être corrigé. Les pays les plus riches (membres de l’OCDE) doivent s’efforcer de conserver leurs avantages socio-économiques mais en réduisant très fortement leur empreinte écologique.
En conclusion, il est essentiel d’arriver à briser rapidement, via le « découplage », le lien entre croissance économique, bien-être social et dégradation environnementale.