SANTÉ PLANÉTAIRE,
PENSER ENSEMBLE LA CRISE PLANÉTAIRE ET LA SANTÉ HUMAINE
« La dispersion et la compartimentation des connaissances dans (des) disciplines spécialisées éliminent les grands problèmes qui surgissent lorsque l’on (les) associe (et avec elles) les interrogations essentielles. Leur ignorance entretient un ignorantisme qui règne non seulement sur nos contemporains, mais aussi sur des savants et experts ignorants de leur ignorance… »
1
Ces paroles du philosophe et sociologue Edgar Morin résument les objectifs d’une nouvelle branche scienti que émergente, appelée Santé planétaire
2 qui promeut une vision holistique de la santé. Elle permet de rétablir la santé des écosystèmes, du règne végétal, des animaux (sauvages et domestiques) et des humains car elle prend en compte les grands problèmes du temps : dérèglement climatique, extinction de la biodiversité, perturbations des cycles des éléments, épuisement des ressources non renouvelables, propagation mondiale de la pollution chimique et, non des moindres, explosion dramatique des inégalités
3.
On a mis en évidence que, depuis la révolution industrielle, une myriade d’interventions menées par d’innombrables acteurs ont provoqué des changements planétaires affectant de manière très complexe un large éventail d’aspects menant à la détérioration de la santé de tous les êtres vivants et à l’altération de plus en plus rapide des conditions biophysiques et/ou géochimiques auxquelles nous nous sommes adaptés depuis des millions d’années. Aujourd’hui nous subissons les conséquences de ce grave déséquilibre. Une remise en question s’avère fondamentale pour sauvegarder la santé, voire la survie, de l’humanité dans l’Anthropocène.
L’approche de la santé planétaire repose sur plusieurs thèmes, intimement liés à trois grands défauts à combler
2, faisant respectivement appel à 1°) ce que nous pensonset imaginons (concevoir et être empathique), 2°) ce que nous savons (chercher et communiquer l’information), 3°) ce que nous faisons (assurer la gouvernance)
4.
Nous comprenons ces phénomènes depuis des décennies, mais sommes dans le déni. Le problème est non seulement un problème de pouvoir mais également de vouloir !
La Santé planétaire met également en évidence le problème connexe de l’équité
3. Ce sont les populations les plus pauvres au monde qui sont aussi les plus vulnérables aux changements rapides des conditions environnementales ; elles en souffriront le plus, tout en y contribuant le moins. Il en va de même des générations futures qui subiront les conséquences de nos actes actuels de surconsommation et ne pourront rien contre ce pillage colonialiste de leur avenir
5. Première génération à comprendre la crise et, en même temps, dernière à pouvoir y remédier, nous devons donner priorité à la justice intergénérationnelle, penser aux jeunes et aux nombreux enfants à venir.
La nécessité de diriger l’humanité vers une nouvelle voie en matière de gestion des systèmes naturels devient non seulement une urgence sanitaire, mais un impératif moral
3. Rappelons-nous... qu’il existe en tout être humain, en toute société humaine, des vertus régénératrices à l’état dormant ou inhibé...
6 Faisons éclore cette faculté de résilience, et faisons-le dès aujourd’hui !
Nous en avons les moyens mais il s’agit de les orchestrer dans leur complexité irréductible et de mettre en œuvre cette faculté de résilience sans délai.
C’est à cette mission que nous vous convions de participer.
1 Morin (2017), Connaissance, ignorance, mystère
2 Haines & Frumkin (2021), Planetary Health – Safeguarding Human Health and the Environment in the Anthropocene
3 Myers & Frumkin (2020), Planetary Health - Protecting Nature to Protect Ourselves
4 Whitmee et al. (2015), Safeguarding human health in the Anthropocene epoch: report of The Rockefeller Foundation–Lancet Commission on planetary health, The lancet 386, 10007, 1973 - 2028
5 Krznaric (2020), The Good Ancestor – How to Think Long Term in a Short-Term World
6 Morin (2020), Changeons de voie