Avant-propos
(version du 2/02/2025)
Le principe des communs, à la croisée du droit, de l’économie et de la sociologie, constitue une alternative à la propriété privée qui s’est imposée de façon prévalente depuis deux siècles sur la répartition et l’exploitation des ressources naturelles. Ce type d’organisation socio-économique propose une solution concrète pour lutter contre la double appropriation par la minorité dominante, celle de la propriété privée et celle du pouvoir politique centralisé.
Au Moyen Âge, les commons en Angleterre et les biens communaux en Europe continentale désignaient une partie du domaine seigneurial qui était gérée en commun par les paysans notamment pour le pâturage et la récolte du bois mort. Les seigneurs ont progressivement fait disparaître cette organisation en se réappropriant à leur seul profit les terres concernées.
Le principe des communs a fait sa réapparition et s’est affiné ces vingt dernières années, principalement sous l’impulsion d’économistes, notamment d’Elinor Ostrom, la première femme à recevoir le prix Nobel d’économie en 2009 « pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des biens communs ».
Un
bien commun, c’est une ressource en accès partagé et un ensemble de personnes ou de groupes qui se partage l’usage ou l’exploitation de cette ressource. Si l’on y ajoute une gouvernance qui assure la préservation et la qualité de cette ressource, alors on a un
commun. Mais les deux concepts ne sont pas systématiquement liés. L’air est un exemple de
bien commun, pour lequel aucune gouvernance n’existe ; un bâtiment public (qui n’est pas un
bien commun) peut être un
commun si son usage et sa gestion sont confiés à une collectivité.
Cette 7e Rencontre Élisée Reclus réunira un panel d’experts pour clarifier ces concepts. En quoi le principe politico-économique des communs remet-il en cause le droit de propriété privée ? Quels nouveaux types de gouvernance se développent ? Est-ce vraiment démocratique ? Que devrait faire l’État ? Est-ce une mode, un mouvement de fond ou une échappatoire ? Le cadre légal est-il approprié ? Que nous dit ce mouvement de notre société ?
Le panel sera complété par des personnes engagées et actives dans des initiatives de communs concrètes dans l’agriculture, le commerce et le logement
*. Ils partageront leur expérience, leurs succès et leurs problèmes. Qui s’engage dans des communs ? Pourquoi ? Comment un commun s’organise-t-il ? Quels défis majeurs menacent-ils un commun ? Comment un commun trouve-t-il sa place dans le système capitaliste dominant ? Quels rapports avec la nature et l’écologie ?
Et, comme à chaque Rencontre, la part belle sera donnée au débat avec le public, qui se déroulera en deux parties, chacune se focalisant sur un des grands thèmes suivants : (1) la dynamique externe : trouver et se faire une place, et (2) la dynamique interne : l’humain et l’organisation. Préparez donc vos questions.
En promouvant la préservation de l’écosystème dans son ensemble, par un prélèvement et usage des ressources qui permet à la fois d’en jouir et de veiller à leur reproduction à long terme, c’est-à-dire à leur « soutenabilité », ce courant offre une vision optimiste de notre capacité de vivre ensemble en harmonie dans la nature dont nous faisons partie, en parfaite communion avec la pensée d’Élisée Reclus.
* Le numérique ne sera pas considéré lors de cette rencontre. Ce sujet mérite une attention particulièrement, notamment avec le développement de l’intelligence artificielle, et fera sans doute l’objet d’une autre Rencontre Élisée Reclus.