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Compilation des 5 Rencontres
Cycle 2023-2024
(version du 30/06/2024)
C’est la fin avérée d’un rêve et peut-être le début d’un cauchemar. L’idéologie du « tout ira mieux », sur fond de croissance illimitée et de ressources inépuisables, est aujourd’hui à l’agonie. Pourtant, on affirme encore qu’« aucune alternative n’est possible ». Plutôt que de s’y résigner, un groupe de citoyens a choisi de faire face avec lucidité. Leur devise : « Apprendre • Comprendre • Agir ». C’est ainsi que se sont créées les Rencontres Élisée Reclus dont le nom et le slogan s’inspirent de cette figure pionnière et majeure de l’écologie du XIXe siècle, soit quelqu’un qui avait vu juste, très tôt…
L’objectif de ces Rencontres est de mettre en œuvre une dynamique d’action collective, un espace constructif d’information et de dialogue. Avec une approche systémique, c’est-à-dire intégrant l’ensemble de ses dimensions, il s’agit de prendre la mesure des défis globaux, d’identifier les racines du chaos social et environnemental auquel nous faisons face et d’élaborer des plans d’action.
Genèse des Rencontres Élisée Reclus
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Note d'intention des Rencontres Élisée Reclus
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1re Rencontre Elisée Reclus
Abandonner le mythe de l’économie triomphante :
une question existentielle pour l’humanité ?
Bruxelles, le 25 novembre 2023
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Enregistrement de la Rencontre
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Extraits des interventions

« les sociétés autoritaires, – pour moi vraiment l’une n’a pas fait mieux que l’autre – ont engendré ou en tout cas n’ont pas réussi à contenir ce que j’appelle, moi, l’hyper prédation économique qui se caractérise par un productivisme et un extractivisme extrêmement intensifs et par une primauté relativement marquée du capital sur le travail. Jamais aujourd’hui le capital n’a rapporté autant d’argent, jamais le travail n’a rapporté si peu d’argent. »
« l’hyper richesse côtoie l’hyper pauvreté sans qu’il n’y ait plus de ponts entre l’une et l’autre. »

Grégory Berthet

« la question est de savoir pourquoi la théorie propre à l’économie néoclassique ne prévoit pas qu’il puisse arriver une crise économique. »
« Les économistes néoclassiques traitent la science économique comme si c’était de la physique ; en effet, ils mathématisent, ils modélisent toutes les relations économiques (…) Mais… le problème, c’est que cette modélisation à outrance fait que les économistes doivent simplifier le phénomène à outrance… »

Jeanne Schuster

« … nous sommes vraiment, nous, les individus, même les groupes, on est tout petit et qu’on fait face à un problème gigantesque qu’on a vraiment du mal à comprendre et qu’il est très difficile de penser. »
« Pour moi, la situation, c’est l’Écocide … : ça veut dire qu’il y en a un et pour notre espèce, on n’en aura qu’un seul donc. Soit on l’arrête, soit il n’y aura plus d’espèce humaine … ça, c’est de l’écologie de base. »
« … il y a une perte de maîtrise. On a cette idéologie et cette culture de la maîtrise occidentale, mais moi je pense qu’on ne maîtrise plus grand-chose aujourd’hui … c’est ce que j’appelle l’urgence avec un grand U. »

Cédric Chevalier

« J'avais dû lire en 1976 L'utopie ou la mort (René Dumont) : et bien tout y est prévu mais quasiment à l’année près. … c'est un tout petit peu dangereux de juxtaposer le néolibéralisme et les problèmes d'écologie. (…) je demande aussi, est-ce que la prise de conscience n'est pas un substitut à l'action ? On fait beaucoup de colloques, finalement, sur l'écologie mais dans le fond, est-ce que la prise de conscience n'est pas une façon de se dire que parce qu'on est en conscience, on a changé quelque chose ? – La réponse est non. Est-ce que l'intellectualisme que démontrent certains n'est pas lui-même un alibi pour faire repousser sur les autres ce qu'on n’a pas envie de changer en nous-mêmes ? »
« … on ne peut pas être dans une logique de capitalisme et d'accumulation qui nous caractérise tous, dans une logique de consommation, dans une logique de jouissance narcissique, du présent au détriment du futur et préserver la planète. Ce n’est pas possible. Nous sommes dans une logique où aujourd'hui nous voulons absolument profiter d'un présent, peut-être d'autant plus qu'on sait qu'il n'y a pas d'avenir, au détriment de ce même avenir. C'est ça la réalité ! »

Bruno Colmant

« C'est mon programme et c'est ce qu'on appelle la gratuité pour la subsistance. (…) Or la gratuité pour l'indispensable, c'est 2% du PIB.  »
« Quand y a une différence entre deux produits intérieurs bruts , on appelle ça la croissance. Notre système est fondé entièrement sur la formation des prix, c’est-à-dire sur le rapport de force entre l'acheteur et le vendeur. C'est ça, c'est là que se trouve le fondement même des choses … »
« …l'intelligence nous permet de changer les choses mais il faut aussi que nous soyons dans une société où nous puissions taper du poing sur la table et demander à nos élus que les choses changent comme nous les avons élus pour le faire. » « <Pour faire changer les choses> il faut qu'on soit dans des situations où l’on se dit qu’on n'a pas le choix et la question se pose à propos de nos arrière-petits-enfants, comme il l’a été dit, et comme je vais le répéter, il n'est pas du tout certain qu'il en existe. »

Paul Jorion

« … un exemple de cette économie triomphante …, c'est cette croyance … que l'économie va se verdir toute seule ou plus précisément que la croissance va se verdir … , … on a cette espèce d'hypothèse selon laquelle, au fur et à mesure que les économies se développent et grossissent leur PIB, ce PIB va graduellement se découpler et se dissocier des pressions qu’elles opèrent sur l'environnement, ce qui amènerait l'avènement d'une économie circulaire dématérialisée, une économie renouvelable, une économie régénérative, une économie symbiotique (…) Aujourd'hui, … ce sont eux principalement les économistes néoclassiques et les organisations internationales (…) qui parviennent à faire survivre cette idée un petit peu zombie de la croissance verte (…) La décroissance est une attaque frontale contre ce que certains ont appelé l’économisme donc l'hégémonie de la rationalité économique et la toute-puissance des institutions, des organisations et des acteurs économiques sur la société dont dans son ensemble … »
« … l'effondrement, c'est le moment où la nature arrête de nous faire crédit, où des écosystèmes s'effondrent ou des ressources sont font rares, et là on se rend compte que l'économie ne peut pas fonctionner sans la nature, mais malheureusement ça se passe très vite, dans la douleur, une douleur qui est proportionnelle au pouvoir, dans une économie où dans sa toute-puissance le capitalisme marchandise une grande partie de l'accès aux biens et services de base … Donc c'est pour ça qu'il va falloir organiser cette décroissance qui ouvre vers une sortie de l'économie. »

Timothée Parrique(en vidéo)

« … je voudrais rebondir sur <la critique faite par B. Colmant de> l'intellectualisme parce qu'il y a l’opposé, c'est l'anti-intellectualisme. Il est souvent associé à des régimes plutôt pas sympathiques. … des écologistes … hurlent en fait dans le désert depuis plus d'un siècle, parce qu'il y en avait déjà, on avait déjà Élisée Reclus au XIXe siècle. On ne les écoute pas. (…) Il y a vraiment, d’un point de vue sociologique, une volonté délibérée et explicite d'éliminer toute contestation idéologique au sein même de l'Université et jusqu'à aujourd'hui. Vous trouverez très peu de docteurs et de professeurs d'économie, etcetera, qui sont capables de comprendre ce que c'est le marxisme ou même l'écologie ou l'écologie économique… »

Cédric Chevalier

« … notre société est complètement dépolitisée. Et donc parler des démocraties simplement en votant une fois tous les quatre ans, ce n’est pas ça, la démocratie. Arriver à repolitiser, je pense, que c'est une démarche qui doit revenir par la démocratie participative. (…) je pense que l'homme est d'abord un être social … j'inclus évidemment les femmes, et donc le principe d'entreprise, c'est de s'associer pour faire quelque chose ensemble. Et c'est là que ça recommence. C'est là que l'on peut imaginer des futurs et que l'on peut commencer à avoir de l'imaginaire : c'est, ensemble, un groupe de cinq ou dix personnes qui se réunissent tous les jours ou une fois par semaine et qui réfléchissent à la façon dont ils vivent, à la façon dont ils peuvent imaginer et puis dans les quartiers … c'est ça la vie. Et c'est comme ça qu'on peut imaginer quelque chose de nouveau. »

Jacques Crahay

Notices biographiques

Louka BENABID et Jeanne SCHUSTER

Étudiants, section locale de l’ULB de Rethinking Economics, un mouvement international, né en Angleterre après la crise de 2008, pour promouvoir le pluralisme en sciences économiques.

Grégory BERTHET

Ingénieur de gestion de formation, membre du comité de direction de CREDAL (société coopérative belge pionnière de la finance éthique).

Cédric CHEVALIER

Ingénieur de gestion, économiste et prospectiviste, auteur de deux essais politiques, Déclarons l'État d'Urgence écologique (Luc Pire 2020) et Terre en vue ! Plaidoyer pour un Pacte social-écologique (Luc Pire 2021), et d’une contribution au recueil Aux origines de la catastrophe – Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? (Les Liens qui Libèrent 2020, Pablo Servigne et Raphaël Stevens).

Bruno COLMANT

Universitaire, financier, fiscaliste, auteur et économiste belge, membre de l'Académie royale de Belgique ; critique engagé du néolibéralisme anglo-saxon de Ronald Reagan où il voit une imposture et une manipulation aux conséquences fatales. Auteur de nombreux ouvrages et publication et tout récemment de Une brûlante inquiétude (Renaissance du Livre, 2023).

Jacques CRAHAY

Il a fait toute sa carrière professionnelle dans l’industrie alimentaire, ancien président de l’Union Wallonne des Entreprises (UWE), co-fondateur d’un groupe de réflexion d’entrepreneurs (2030, CEO Alliance for Sustainability), il prône que le changement profond et radical de nos modes de pensée est souhaitable, particulièrement sur notre rapport aux vivants.

Paul JORION

Docteur en Sciences Sociales (ULB), anthropologue, fonctionnaire des Nations-Unies, chercheur en Intelligence Artificielle, banquier (pendant 18 années aux États-Unis). Il est l’auteur de Vers la crise du capitalisme américain ?, et de L’argent, mode d’emploi, qui a reçu le prix Les Reclusiennes en 2018.


2e Rencontre Elisée Reclus
Un monde sans limites ?
Un espace sûr et équitable pour tous
Liège, le 10 février 2024
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Avant-propos à la Rencontre
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Enregistrement de la Rencontre
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Extraits des interventions

« ….vous avez un plancher social, vous avez un plafond environnemental (…) On veut un espace sûr et juste pour l’humanité, un environnement social : l’économie doit être régénérative et distributive. (…) Douze objectifs : alimentation, santé, éducation, accès à l’eau et à l’énergie, les infrastructures, le logement, les réseaux, la pauvreté à combattre par la croissance et l’emploi, les institutions et les inégalités sociales et de genre (…) Et on veut donc éviter les déficits. Du côté environnemental, on veut éviter les dépassements des limites. Ces six critères qui sont pour le moment dépassés… »

Roland Moreau

« …la croissance, c’est un objet d’agnosticisme ; la religion de la croissance est dépassée. Nous devons être agnostiques par rapport à la croissance. S’il en faut un peu, tant mieux ! S’il n’en faut plus, tant mieux ! (…) Le concept central, c’est plutôt la suffisance si on veut, la sufficience. (…) Et c’est le mot épanouissement qui devient central : suffisance et épanouissement, espace juste et sûr, et comme ça, on est dans un autre monde intellectuel, politique, qui à mon avis focalise beaucoup mieux les enjeux sur ce qui importe, que les mots de croissance, décroissance, capitalisme, socialisme, que sais-je… »
« …on veut bien encore accepter que les budgets écologiques soient en contraction ; ce qu’on ne veut pas accepter, c’est la convergence, c’est le fait de savoir qu’un jour ou l’autre, on aura affaire à des quotas à peu près égaux par personne et qui auront été fortement réduits selon l’état de dépassement et de déficit dans lequel nous nous trouvons au départ. Donc cette logique de contraction et convergence au niveau macro ne pourrait-elle pas se traduire pour qu’enfin on sache individuellement ce qu’on a à faire, ce qui est suffisant, ce qui est de trop, ce qui n’est pas assez, et cætera, ce sur quoi on a très peu d’informations en réalité (…) On n’a pas de comptabilité écologique et intégrale de ressources – je le répète et je le regrette très souvent – donc on ne sait pas en fait très concrètement combien on dépense, à part quelques petites mesurettes qu’on est capable de faire, mais en gros on ne sait pas. On navigue complètement à vue, à l’aveugle… »

Christian Arnsberger

« On essaie de donner la parole aux agriculteurs pour l’instant, parce qu’ils ont une voix minoritaire ; mais, dans la catastrophe agricole qu’on vit, ce sont surtout les industriels ou alors certaines fédérations agricoles qui parlent mais en fait pour bien intégrer la question des limites écologiques, il faudrait aussi commencer à donner la voix aux non-humains, aux générations futures, à notre génération passée, à notre histoire, aux gens qui vivent à l’autre bout du monde… Pour l’instant, on a très peu de mécanismes <pour la justice climatique>, et on discute en fait assez peu… Comment est-ce qu’on peut séparer l’acceptable et l’inacceptable ? Qu’est-ce qu’on peut faire si demain on continue à manger des vaches ? (…) C’est absolument inacceptable aujourd’hui dans notre société de tuer les humains, de manger des humains, c’est inacceptable… Si on prend au sérieux un certain nombre de préceptes de justice sociologique, on va devoir se poser la question aussi par rapport aux non- humains. »
« … on ne va pas faire disparaître la variabilité entre le plancher social et le plafond social <Th. Piketty>. Demain, on aura ça aussi. Ouais ! On ne sera pas dans un monde équitable. On sera dans un monde avec des privilégiés avec des non-privilégiés, (…) et donc la discussion devra porter sur (…) l’intervalle qu’on se permet d’avoir collectivement. Aujourd’hui, cet intervalle n’est pas du tout plafonné (…). Et donc il faudra réfléchir sur les pratiques de justification des inégalités socio-écologiques (…) Est-ce que demain, on va obtenir un consensus sur ce qu’est une inégalité socio-écologique acceptable ? »
« En région wallonne, si on voulait résoudre les deux tiers du problème posé via l’épandage par la charge de pesticides, comment devrait-on s’y prendre ? – deux tiers, demain… Non, non, on ne va pas supprimer l’agriculture, on ne doit pas rechanger le modèle, on ne doit pas expliquer à chaque agriculteur le truc et le machin et l’aider à lire les étiquettes… Non, on va plutôt arrêter deux sous-industries agricoles : la première, c’est l’industrie de la frite congelée. La deuxième, c’est l’industrie du cube de sucre. Ces deux cultures avalent deux tiers de la charge des pesticides. Alors on peut commencer à discuter : est-ce que ça c’est encore de l’agriculture ou est-ce que c’est de l’industrie ? Si c’est de l’industrie, on est face à une situation qu’on avait par rapport à d’autres problèmes qu’on a résolus <comme l’amiante>. (…) La discussion, elle doit plutôt se porter là : comment est-ce que les choses qu’on connaît vraiment très bien, – franchement on sait qui émet, on sait d’où vient la charge des pesticides, tout ça, on sait aujourd’hui – et il y a moyen d’agir très rapidement. Pour cela, il faut changer de discours. »

Tom Bauler

« …je pense que le concept de limite et de limitation dans le monde dans lequel on vit aujourd’hui a tout son sens. On est dans un système économique dérégulé qui nous donne l’illusion qu’on peut vivre de manière infinie dans une planète finie, mais il est devenu clair qu’il faut poser des limites, même s’il y a aussi des limites à ces limites. (…) si on considère ces limites dans le monde actuel, on voit que celui-ci est profondément inégal, inégalitaire (…) L’instauration de ces limites (…) doit se penser dans ce contexte et ces limites doivent avoir vocation à corriger ces inégalités (…) Et quand je dis “corriger les inégalités”, quand on parle par exemple de la question climatique, ce n’est pas juste une lubie idéologique ou une volonté de se donner un peu bonne conscience, c’est la manière la plus efficace et la plus valable de lutter efficacement contre le réchauffement climatique et ce n’est pas moi qui le dis, c’est le GIEC. (…) les scientifiques font un lien très clair entre les inégalités et le fait est que des sociétés inégalitaires sont beaucoup plus vulnérables face au réchauffement climatique, et donc beaucoup moins résilientes. Et donc lutter contre ces inégalités a tout un sens pour toute une série de crises, notamment la crise climatique. »
« Pourquoi parle-t-on d’injustices climatiques ? – parce que le réchauffement climatique se base sur un triptyque d’inégalités : premièrement, les inégalités en termes de responsabilité : on n’est pas tous et toutes autant responsables de la crise climatique. Ça se voit entre les pays ; ça se voit, au niveau d’un même pays en termes, d’inégalités sociales ; ça se voit également entre hommes et femmes (…) C’est aussi vrai quand on regarde en termes d’inégalités sociales : une personne qui vit dans la précarité est beaucoup plus vulnérable face à un événement climatique extrême – (…) un typhon ou un ouragan – qu’une personne qui sera dans une situation aisée. (…) La dernière inégalité en termes d’injustices climatiques, c’est la capacité d’action : on demande aujourd’hui à tous les pays du monde d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en moyenne. On demande à tout le monde de rester sous le plafond de 1,5 degré de réchauffement global mais tous les pays, évidemment, n’ont pas la même capacité d’atteindre ces objectifs climatiques… »
« …on a aussi tout un système qui, en fait, maintient, voire même aggrave ces inégalités. <par exemple> on parle de budget carbone pour rester sous la limite d’un 1,5 degré – c’est le grand objectif commun sur lequel tous les pays doivent travailler ensemble – mais évidemment, il y a des tensions très fortes entre certains pays qui disent “pourquoi est-ce que je devrais faire un effort alors que ce n’est pas moi qui suis responsable en premier lieu du réchauffement climatique ?„. Comme l’a dit le Bénin à la France : “vous avez bénéficié de la révolution industrielle, de la colonisation ; je ne suis responsable qu’à l’échelle de 2% historiquement de ce qui se passe aujourd’hui”. (…) L’Afrique du Sud va dire “pourquoi est-ce que je devrais me priver de mes ressources en charbon alors que moi je n’ai pas pu bénéficier de ces ressources à bas prix de manière libérée pour faire atteindre tout un seuil de développement social à ma population ?„. »
« C’est plutôt dans des enjeux de court-termiste, parfois d’opportunités, qu’on a du mal à marier correctement et à articuler correctement la question environnementale et la question sociale, qu’on est toujours tenté de les opposer. L’exemple est celui des agriculteurs : leur contestation sociale va rapidement faire reculer sur l’environnement. <On devrait plutôt se demander> “où est-ce qu’on pourrait marier les deux et proposer des solutions vertueuses pour l’environnement et pour le social ?„ Et donc penser en fait à la redistribution des richesses, à la redistribution du pouvoir, qui sont évidemment des choses taboues à ce stade-ci, en politique, et je pense que c’est là vraiment qu’il faut aussi changer le logiciel et repenser évidemment toute une série de choses dont nos démocraties… »
« …on a l’impression que les politiques sont sourds et qu’ils ne comprennent pas (…) mais la prise de conscience de ce que le climat est devenu un enjeu central et qu’il faut que le monde politique traduise ces demandes en politiques concrètes, a vraiment dépassé un seuil, et donc ça, c’est aussi grâce à la mobilisation citoyenne qui a porté ses fruits. (…) mais il y a un risque électoral - les élections tous les cinq ans – et donc il y a très peu de politiques qui ont le courage de s’engager au-delà de leur mandat pour des raisons pratiques mais aussi pour des raisons purement électorales, alors que la planification écologique nécessite une vision à long terme. »
« Le monde économique est encore aujourd’hui beaucoup mieux entendu, beaucoup plus souvent reçu à la table des différents politiques. On l’a vu pendant la crise du coronavirus et on le voit maintenant avec les agriculteurs et les agricultrices, ce ne sont pas les petits agriculteurs paysans ou familiaux, qui sont les premiers reçus, c’est la COP/COGECA, c’est-à-dire les gros industriels. »

Rebecca Thissen

« On sait aujourd’hui qu’on ne va pas résoudre les problèmes d’aujourd’hui avec cette façon de penser qui a créé le problème… Quelle est la philosophie économiste d’aujourd’hui ? C’est très simple : faire de l’argent, transformer la nature et transformer les humains en pognon qu’on met sur des comptes (…) mais je me suis dit, “mais finalement, qu’est ce qui, moi, m’intéresse pour mon fils et pour vos enfants et vos petits-enfants ?” C’est de se dire “mais tiens, si chacun pouvait amener le meilleur de lui-même de sa puissance au fond personnelle, différente <chez> chacun, au service du monde”. »
« … l’économie systémique. C’est un modèle, un vrai modèle, qui sans surprise, est basé sur le biomimétisme, au service du progrès de l’écosystème, et qui est régénératif plutôt qu’extractif. (…) ça a pris une ampleur assez importante depuis deux ans parce qu’on a commencé à travailler en Afrique subsaharienne et ces projets ont dépassé largement tout ce qu’on a fait en Belgique et en France. Tout l’Est du Congo par exemple est en train de passer à l’agriculture régénératrice grâce à nous et nos extra-preneurs, et on voit émerger des dizaines de milliers de petits potagers en permaculture, la reforestation spontanée par les communautés sans crédit carbone parce qu’ils ont compris qu’ils vivaient de la forêt (…) ils avaient tout coupé pour cuisiner et puis maintenant ils se sont dit “bah si on continue à faire ça, eh bien, on est tous mort !”. Il y a eu des glissements de terrain ; il y a des villages entiers qui se retrouvent dans les ruisseaux qu’on ne va plus jamais retrouver. Donc ils se sont dit qu’il faut régénérer, et ça fonctionne ! »
« (…) le capitalisme a démarré dans le Moyen-Âge dans des poches autour des villes… Et on doit faire la même chose : créer des îlots de régénération un peu partout dans le monde, qui vont être désirables, parce que ce sont réellement des vrais petits morceaux de paradis, et puis on va les développer. On va les démultiplier. La stratégie est très simple : on va les quadrupler tous les six mois. »
« (…) la motivation intrinsèque des gens, des individus basés sur cette philosophie d’origine, était beaucoup plus efficace. Et donc on va sur le terrain et on va dire “quels sont vos enjeux du moment et ce qu’on peut faire ensemble ici en deux mois, dont on pourra avoir le résultat dans deux ou trois mois ?” (…) On s’est dit qu’on va faire du bottom-up. Pourquoi ? Parce ce qu’on redonne de l’autonomie on redonne l’autonomie aux gens, aux individus, et là il y a quelque chose de très intéressant qui se passe : on voit les gens en zone de guerre, les gens les plus pauvres de la planète, qui nous apprennent des trucs. C’est super émouvant. Des gens qui gagnent moins de quinze dollars par jour et qui nous disent vos coopérations, là, vos ONGs qui viennent nous balancer des sacs de riz pendant deux mois et puis qui partent, en fait, vous faites plus de mal que de bien. Vous nous rendez dépendants d’un système pour pouvoir derrière évidemment – et ça ils ne le disent pas, mais moi je sais ça, parce que derrière on va continuer à extraire les ressources minières de leur terroir – donc ce n’est pas ça ! »

Michel de Kemmeter

« la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise (…) est une association, une ASBL, qui existe maintenant depuis dix ans et dont le but est d’aller vers un système alimentaire durable. Tel que c’est défini en Wallonie puis 2019, c’est un système alimentaire qui respecte l’environnement, la santé des humains, mais qui permet aussi une accessibilité pour toutes et tous à une alimentation saine, et qui garantit des conditions de travail décentes pour les travailleurs dans les systèmes alimentaires. »
« …les systèmes alimentaires avaient vraiment une grosse responsabilité dans le dépassement des limites : notre système alimentaire n’est pas durable ; il a vraiment un impact énorme sur la biodiversité, sur le climat, sur les nappes phréatiques, sur l’érosion des sols, et cætera. Ce n’est pas la responsabilité des agriculteurs, mais bien celle du système agroalimentaire et notamment des politiques publiques : la politique agricole commune (PAC), l’OMC qui met les agriculteurs sur des trajectoires où ils sont quelque part verrouillés. (…) Et puis il y a une grosse dépendance aux hydrocarbures : on estime que les années 2030 seront les années de la fin de la disponibilité de ces hydrocarbures à bas prix et en grandes quantités. Or actuellement on estime qu’il faut de 7 à 10 calories fossiles pour produire une calorie alimentaire. Ce n’est évidemment pas durable du tout. »
« …les réponses par rapport à la vulnérabilité du système alimentaire sont de trois ordres : (1) aller vers des modes de production et de transformation plus durables – l’agriculture biologique ou agroécologie ; (2) relocaliser les systèmes alimentaires (…) et (3) des modes de commercialisation plus équitables pour permettre aux acteurs économiques de faire leur métier dans de bonnes conditions et de le faire d’une manière qui respecte à la fois la santé humaine et l’environnement. (…) Donc nous, on a vraiment soutenu l’émergence d’un type d’entreprise : les entreprises coopératives… »
« …ce n’est pas la panacée universelle : ce sont des entreprises coopératives qui se veulent plus vertueuses et qui généralement le sont ; mais elles doivent être compétitives sur un marché, sans subside, et parfois elles échouent. On est sur des marchés très compétitifs au niveau de l’alimentation. (…) les coopératives, c’est la démocratie économique. Ce sont des entreprises qui sont souvent détenues par des centaines de citoyens qui vont fixer ensemble les objectifs et contrôler ce qui s’y passe… »

Christian Jonet

Notices biographiques

Christian ARNSPERGER

Docteur en économie, professeur en durabilité à l’Université de Lausanne (Suisse), mène ses recherches et ses enseignements sur les mécanismes métaboliques (et notamment monétaires) de la décroissance, les alternatives post-croissance, ainsi que les obstacles politiques et existentiels qui rendent difficile une transition socio-écologique équitable et apaisée.

Thomas BAULER

Professeur à l’ULB, s'intéresse aux interdépendances entre la gouvernance environnementale et l'économie. Ses recherches portent sur les dynamiques de gouvernance de la question environnementale : il explore les questions d’exnovation ainsi que de transition juste.

Michel DE KEMMETER

Entrepreneur, investisseur immobilier, chercheur, auteur, chroniqueur dans la presse et à la télévision, conférencier et professeur adjoint à la VUB Brussels School of Governance. Il a conçu le modèle de l'Économie Systémique Régénératrice (ESG) et a créé le Club de Bruxelles, un thinktank pour développer de nouvelles formes de pensée économique.

Christian JONET

Licencié en sciences politiques de l’Université de Liège, directeur de l’ASBL Ceinture Aliment-Terre Liégeoise, s’implique dans les dynamiques citoyennes liégeoises de transition sociale et écologique. Il a été coordinateur dans l’ASBL Barricade, qui œuvre dans les thématiques de l’économie sociale et de la transition.

Roland MOREAU

Membre du Cercle Elisée Reclus

Rebecca THISSEN

Juriste de formation, spécialisée dans le droit international et les droits humains, chargée de projet chez Climate Action Network (CAN) International (plus grand réseau mondial d'ONGs actives sur les questions climatiques). Travaillant sur les questions de justice climatique, elle est convaincue que seule une approche holistique et intersectionnelle, mariant adroitement environnement et social, local et global, est la clé pour une transition écologique efficace et solidaire.


3e Rencontre Elisée Reclus
Quelle santé pour la planète ?
Pas d'humains en bonne santé sur une planète malade
Mons, 30 mars 2024
Présentation de la thématique
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Avant-propos à la Rencontre
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Extraits des interventions

« L’espérance de vie de l’être humain commence un petit peu à diminuer (…) On a principalement vaincu – du moins dans les pays occidentaux – les maladies infectieuses, vaincus temporairement étant donné malheureusement les résistances aux antibiotiques et les abus qu’on en fait. Pour le reste, c’est l’amélioration des conditions de vie et du social qui a permis l’augmentation de l’espérance de vie. »
« …la première cause de mortalité chez l’homme jeune est le suicide en Belgique… donc notre société n’est peut-être pas si jolie qu’on le veuille bien… et chez la femme, c’est le cancer du sein puis on rejoint finalement les autres pathologies : le cancer du poumon, la cardiopathie ischémique, les accidents de transport (…) Il y a aussi un autre problème : au moins 30% de la population est à un faible niveau de littératie en santé. Cela signifie qu’elle n’y connaît rien, quand on lui parle de sa santé. »
« Est-ce que la médecine guérit ? – pas grand-chose ! Elle soigne symptomatiquement beaucoup de choses (…) Le seul truc qu’on peut guérir plus ou moins, c’est le cancer ou une fracture parce qu’on la répare chirurgicalement, mais tout le reste relève de ce qu’on appelle des traitements symptomatiques. »
« …l’industrie alimentaire – neuf grosses sociétés… qui vous font bouffer n’importe quoi (…) L’obésité est en croissance en Europe surtout chez les jeunes. Donc en 2018, la moitié de la population de plus de 18 ans est en surpoids, donc un IMC (indice de masse corporelle) supérieur à 25. (…) 55% de la population adulte qui sont vraiment en surpoids et 21% qui sont obèses. Ça entraîne des problèmes métaboliques, d’hypertension, des problèmes cardiaques, c’est-à-dire toutes les premières causes de décès dans les statistiques (…) À cela, on peut rajouter l’industrie chimique, les plastiques, les perturbateurs endocriniens (…) Il y a des effets de synergie donc d’amplification de l’un par rapport à l’autre. (…) Et puis il y a le déclin de la fertilité (…) les troubles du neurodéveloppement, surtout chez l’enfant, qui est exposé très tôt aux toxiques puisqu’il leur est exposé via sa mère directement… Le QI des Européens en moyenne va diminuer de 5 à 6 points aux environs des années 2030. »
« (…)la COVID a quand même été la conséquence de notre mode de vie. On a réduit les écosystèmes : les chauves-souris ont tendance à se rapprocher de notre milieu d’existence, produisant une certaine mixité entre les animaux sauvages et nous (…) C’est la même chose avec nos élevages intensifs de porcs : la grippe aviaire ou la grippe banale provient de l’hybridation d’un virus entre les oiseaux et le porc (…) »
« On n’est pas égaux devant la maladie ou devant la santé. Il est clair que pour pouvoir faire une prévention efficace, il faut un petit peu connaître les facteurs déterminants ; pour se soigner, il faut aussi de l’argent, de l’instruction, un bon logement, le statut socioprofessionnel (…) »

Eddy Kay

« Comment l’environnement impacte-t-il notre santé ? (…) tout le monde est exposé, à la maison, au travail, dans la rue, dans leurs activités, à la pollution de l’air, à de l’eau de mauvaise qualité, à une série de produits chimiques, aux radiations, aux bruits, des risques professionnels et aussi tout ce qui est en lien avec les constructions, l’agriculture, ce qu’on en mange. »
« Globalement, au niveau du monde <entier<, les dix premières causes de mortalité liées à l’environnement sont des maladies plutôt de type chronique non transmissible. On en est maintenant à ce qu’on appelle une seconde transition épidémiologique. Dans les années 50, on mourrait encore d’infections, de diarrhées, de problèmes respiratoires (…) Actuellement, je dirais que les trois, quatre, cinq… premières <causes de mortalité> sont des maladies cardiovasculaires, le cancer, <les maladies> respiratoires… Vous avez les accidents en troisième place (…) au numéro 3. Mais <tout> cela représente plus de 20% – entre 19 et 25% – de la mortalité totale liée à ces problèmes de santé que l’on associe à des déterminants environnementaux. »
« C’est important à savoir : vous et moi, et nous, nous sommes exposés à ces paramètres quels qu’ils soient et en cocktail ou ensemble tout au long de notre vie. « Tout au long de notre vie », ça commence à la conception. (…) deux groupes de paramètres influent directement sur notre santé et, indirectement, via l’expression modifiée de nos gènes. (…) une même exposition peut, au long de la vie, donner lieu à une variété de problèmes de santé – cancer du poumon, bronchopneumopathies chroniques obstructives, asthme, infections, susceptibilité à des infections respiratoires (…) tout cela peut être aussi issu d’expositions prénatales qui vont par la suite se traduire sous la forme de fragilités et de pathologies beaucoup plus tard dans la vie. (…) par rapport au développement d’un cancer, on a entre vingt et quarante ans de latence entre le moment de l’exposition et le développement de la maladie. »
« (…) deux suspects principaux : (1) la mauvaise qualité de l’air (à l’extérieur et à l’intérieur) que l’on associe à environ quatre cent mille décès prématurés par an ; (2) le bruit environnemental. (…) On ne peut pas se soustraire au bruit et on va avoir toute une série d’effets qui ne sont pas la surdité, qui sont des effets plutôt cardiovasculaires avec un risque d’infarctus accru, des effets d’irritation, de manque de sommeil, de difficultés d’apprentissage, de perturbations du développement cognitif et aussi au niveau endocrinien, dans des interactions avec les hormones, et au niveau immunitaire (…) Donc tout ça, ce n’est pas simplement le fait de moins entendre ou d’avoir une surdité. Ça représente quand même dix mille décès prématurés par an pour l’Union européenne. À la louche, le coût en termes de manque de ressources, de manque de rentabilité, d’hospitalisations, de médicaments, d’invalidité est évalué à plus ou moins 1% du PIB de l’Union européenne. C’est beaucoup plus élevé que les accidents. C’est plus élevé que l’alcool, le tabac… »
« …depuis 2010, 70.000 nouvelles substances chimiques ont été brevetées au niveau européen. Globalement, si l’on regarde leur traduction en termes de maladies, ce sont des cancers, des problèmes cardio-respiratoires mais aussi des problèmes comportementaux, des troubles de la reproduction, les perturbations des fonctions endocriniennes – et pas uniquement la reproduction mais aussi la croissance, l’impact sur le cerveau… Oui, le cerveau peut être impacté par toutes ces substances. »
« (…) une notion assez importante est celle de la fenêtre d’exposition critique : dans le cours du développement embryonnaire, si tandis que le cœur se forme, la future maman et par conséquent son embryon sont exposés à quelque chose qui peut être dangereux pour la formation du cœur (…) ça va être très dangereux. Si cette exposition se produit avant ou après, j’imagine que c’est une substance spécifique pour la formation du cœur, ça n’aura pas d’effet (…) »
« L’incidence de toutes les maladies peut être réduite en agissant sur l’environnement, en l’assainissant. (…) par exemple, les cancers ont toute une série de paramètres qui vont en influencer le déclenchement : si l’on améliorait l’environnement au maximum, on pourrait en prévenir 20%. »
« En santé environnementale, on parle de plus en plus d’une prévention primordiale : ne plus émettre de polluants, ne plus les rejeter dans l’environnement, mettre en application une modification technologique pour cesser de produire des particules fines… C’est là, à mon sens, j’en suis assez persuadée, qu’on doit agir, que ce soit de façon individuelle, mais aussi sur toute façon collective. Et de façon collective, c’est où ? C’est au niveau des autorités, au niveau des décisions, au niveau des gouvernements. »
« Une équipe allemande a fait une modélisation de la réduction éventuelle des émissions de particules fines et d’ozone, dans l’hypothèse d’une sortie hors énergies fossiles. Sur la base des chiffres de 2019, on pourrait éviter à peu près 8,4 millions de décès par an à l’exposition aux particules fines et à l’ozone dans le monde. (…) renoncer à ces énergies fossiles permettrait à la fois de ne pas dépasser les 2 degrés d’augmentation moyenne de la température sur la terre, et d’éviter une mortalité cardio-respiratoire assez considérable. »
« L’exposition aux particules fines : ce sont les particules d’un diamètre aérodynamique inférieur à 2,5 microns. On en mesure seulement leur nombre et on ne va pas rechercher qu’est-ce qu’elles transportent, ces particules. Or, voilà, elles agissent comme des micro-éponges qui peuvent transporter toute une série de substances chimiques nocives. (…) Pour essayer de faire passer la pilule aux décideurs, on a traduit ça en termes financiers, en argent. Quand on modélise la perte d’emplois, le coût des soins, celui des hospitalisations, des salaires de remplacement, etc., cela correspond à peu près à 1,5 milliard € que l’on perdrait en restant dans ce même scénario inchangé »

Catherine Bouland

« Avec l’industrialisation massive rendue possible par l’extraction massive des énergies fossiles, on a progressivement dépassé plusieurs lignes rouges, notamment en matière de pollution chimique (…) puisqu’on a répandu dans nos environnements au sens large – donc l’eau, l’air, la terre, etc. – (…) toute une série de xénobiotiques, c’est-à-dire des molécules qui nous sont étrangères. Cela contribue à impacter négativement notre santé et ce, dès le plus jeune âge. En effet, ce qui est vraiment tracassant, aujourd’hui, c’est que ces effets sur la santé se manifestent de plus en plus tôt, à tel point qu’on parle même d’une nouvelle forme de morbidité néonatale et pédiatrique <dans ce contexte> et donc je vais vous en en parler un petit peu. »
« …en matière de pollution chimique, l’évolution a été assez phénoménale, sur un très court laps de temps c’est-à-dire depuis la fin des années 1980. (…) cette pollution est désormais vraiment ubiquitaire : on en retrouve partout de ces polluants chimiques, y compris dans les lacs de haute altitude, etc., avec la conséquence d’une une exposition accrue des humains (mais aussi des animaux bien entendu). (…) l’augmentation de la capacité de production des plastiques se chiffre en milliards de tonnes. (…) ça se traduit concrètement par l’apparition de plusieurs continents artificiels à la dérive, composés de plastiques mais ces plastiques, on les le retrouve partout ailleurs sous la forme de nanoplastiques, dans l’eau, dans les terres et bien sûr chez nous, dans nos corps. »
« (…) malheureusement, on n’est pas exposé qu’aux polluants chimiques car il y a aussi toute une série de facteurs physiques : outre les nuisances sonores, il faut rajouter les rayonnements artificiels, c’est-à-dire les champs électromagnétiques (émissions d’ondes par nos smartphones, par nos antennes, par toute une série de technologies de l’information et de la communication sans fil). Il y a aussi les pesticides et les polluants chimiques… mais aussi de nombreux perturbateurs endocriniens… Il faudrait aussi mentionner la pollution de l’air, les résidus de médicaments, et les micro- et les nanoplastiques : les récents scandales sanitaires l’ont mis en évidence, avec les PFAS (Substances Per- et PolyFluoroalkylées), les PCB (polychlorobiphényles), ces polluants retrouvés massivement aux abords des broyeurs à métaux (…) »
« C’est un véritable problème parce qu’aujourd’hui, on repère en fait de plus en plus d’effets cocktails, des effets de synergie entre différentes substances. (…) Nous sommes exposés tous les jours à différents polluants mais la recherche scientifique présente cette faiblesse de procéder polluant par polluant sans s’intéresser aux effets que leur combinaison pourrait produire. (…) Pour vous donner un petit exemple, l’on sait que les rayonnements électromagnétiques artificiels ont cette tendance par exemple à rendre la barrière hémato-céphalique plus perméable aux polluants chimiques ; c’est un exemple d’interaction entre la problématique du champ électromagnétique et celle des polluants chimiques. (…) en plus de ces effets cocktails et de ces effets aussi à faible dose pour les perturbateurs endocriniens, il faut mentionner aussi des périodes de vulnérabilité dans les périodes préconceptionnelles et prénatales et dans la petite enfance : on sait que chez l’enfant, jusqu’à l’âge de deux ans, s’ouvre une fenêtre de susceptibilité maximale par rapport à certaines expositions. De plus en plus de données sont disponibles qui montrent bien que ces pathologies chroniques qu’on va développer à l’âge mûr, se sont installées dès le plus jeune âge. »
« …nous sommes exposés à toute une série de facteurs environnementaux – c’est l’exposome (l’ensemble des expositions environnementales au cours de la vie, y compris les facteurs liés au mode de vie, dès la période prénatale) - qui ne peuvent pas être interprétés en termes de génétique…. Nous sommes exposés pendant toute la vie, c’est-à-dire dès notre vie intra-utérine, pendant notre enfance, notre adolescence, à l’âge adulte… Ce que l’on sait, c’est que les femmes enceintes du monde entier sont exposées par diverses voies à toute une série de polluants. Certaines études établissent qu’on est exposé à plus de soixante produits chimiques en moyenne, au moment donné de la grossesse (…) On a même montré qu’on pouvait retrouver dans le sang des femmes enceintes, des molécules mystères qui n’avaient jusque-là jamais été mises en évidence. On les retrouve dans différentes matrices, si vous voulez : l’urine, le sérum sanguin, dans des prélèvements de sang, le liquide amniotique, le lait maternel ou encore le méconium (les premières selles du nouveau-né) qui contient toute une série de polluants mais aussi malheureusement des microplastiques, à tel point que certains chercheurs italiens ont même parlé de plasticenta (…) »
« Aujourd’hui, en Europe, on ne trouverait quasi plus de personnes qui n’aient pas au moins un PFAS dans le sang (…) C’est un fait avéré. »
« (…) en matière d’exposition aux pesticides, il faut mentionner la vulnérabilité des papas avant la conception (INSERM). Les enfants aujourd’hui naissent, quelque part, très pollués et que cela va avoir un impact sur les pathologies qui vont survenir tout au cours de la vie. »
« (…) en parallèle de cette gigantesque production mondiale de substances chimiques, on voit aussi qu’apparaissent malheureusement toute une série de cancers hormono-dépendants : cancer de la prostate, cancer du sein et déclin marqué de la fertilité. En cinquante ans, la concentration du sperme en spermatozoïdes a diminué de 50%. Cette aggravation se poursuit voire même s’accélère encore. »
« Au niveau du syndrome métabolique, on constate une véritable pandémie d’obésité puisque personne n’y échappe. (…) Aujourd’hui on observe une prévalence plus importante de surpoids chez les plus jeunes, ce qui est quand même assez interpellant et qui laisse aussi penser à cette origine environnementale. Chez les enfants également, on observe désormais des diabètes de type 1 qui, là aussi, surviennent de plus en plus précocement. En augmentation également, l’asthme infantile, les maladies allergiques, les troubles neurodéveloppementaux, la chute du QI, et aussi la prématurité petit-poids, ainsi que des pathologies cancéreuses notamment des leucémies chez les enfants, qui sont en recrudescence (…) »
« Aujourd’hui, il est manifeste que c’est cette exposition précoce aux polluants chimiques qui est la plus déterminante dès la vie intra-utérine : l’exposition précoce à différents perturbateurs endocriniens, que ce soit le Bisphénol, les Phtalates, les pesticides, etc., qui ont cette capacité d’aller altérer le métabolisme des graisses et donc d’entraîner une différenciation accrue vers les adipocytes (…) Aujourd’hui, on sait que de la pollution de l’air combinée à tous ces polluants chimiques résulte un cocktail obésogène. (…) En outre, ce cocktail de polluants a cette faculté d’interagir avec différentes protéines et récepteurs qui vont entraîner eux aussi une modification de la sensation de satiété, la fonction thyroïdienne, le système de récompense de la dopamine, etc. Ces polluants peuvent également aller affecter notre microbiome dans l’intestin et entraîner une prise de poids en augmentant l’efficacité de l’absorption intestinale (…) Ce que les chercheurs qui ont publié cette étude mettent en évidence, c’est que la période la plus sensible à l’action des obésogène est vraiment la période prénatale et la petite enfance (…) »
« (…) nous sommes face à une crise sanitaire qui est en même temps une crise écologique : les effets sur la santé ne sont que le reflet de la dégradation des écosystèmes. Quand on parle de pollution de l’environnement, de dérèglement climatique, d’épuisement des ressources naturelles, d’effondrement de la biodiversité, il faut bien prendre conscience de ce que tout cela affecte négativement la santé humaine. »

Céline Bertrand

« Au départ, quand on a commencé à travailler sur ça, vers 2018… la plupart de nos directions générales (au SPF) travaillaient en silos alors que tout, dans ces problématiques, est lié. Il faudrait travailler de manière plus coordonnée et interdisciplinaire. (…) On a mis en place toute une série de principes et de critères pour pouvoir définir la façon dont on peut travailler ensemble, en tout cas, dans nos différentes directions générales. L’objectif final est d’améliorer la santé humaine, d’intégrer les quatre piliers de nos compétences, de nos missions (la santé humaine, végétale, animale et celle de l’environnement), de mobiliser les experts et de les faire travailler ensemble alors qu’ils ne sont pas tout à fait d’accord. Cette perspective correspond à la définition du ONE HEALTH, un monde, une santé. »
« Le plan d’action pour les antimicrobiens témoigne déjà d’une approche ONE WORLD ONE HEALTH. Pourquoi ? Parce que vous avez des animaux de rente ainsi que des animaux domestiques, que vous nourrissez et soignez, parce qu’ils ont eux-mêmes des maladies et par conséquent vous leur donnez des antibiotiques, etc. Dans ce dernier cas et s’agissant des animaux de boucherie, les antibiotiques passent aussi dans l’alimentation. Ces produits se retrouvent dans l’alimentation, dans l’agriculture, via les eaux usées (…) ça passe ensuite dans le milieu aquatique, dans l’environnement, dans les eaux des stations d’épuration où pour l’instant, ces produits ne sont pas traités. Et puis ça repasse via le traitement de l’eau et ça revient en fait dans le cycle – un peu comme les microplastiques – ça revient dans le cycle alimentaire. Vous avez évidemment les utilisations médicales chez les humains. Le plan en lui-même tente de traiter dans trois perspectives : la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale (…) où il s’agit de travailler de manière coordonnée sur l’ensemble des éléments. »
« L’effet de la chaleur sur la santé humaine se manifeste partout, au niveau de la peau, des reins, du foie, du cerveau et de la tête, de la bouche, du cœur (…) donc il y a énormément de possibilités d’impact potentiel à l’occasion de vagues de chaleur et de l’augmentation de la température sur le corps humain. (…) Je voudrais faire quand même le lien avec la condition socioéconomique plus ou moins favorisée par rapport à ces problèmes de chaleur, notamment les îlots de chaleur en ville ou des choses comme ça – on sait qu’il y a une différence de température de 3 à 4° entre l’extérieur de la ville et son intérieur (…) »
« La surveillance structurelle et lutte contre les moustiques exotiques est également dans le Plan. Oui, on a des moustiques exotiques en Belgique, notamment le moustique tigre. (…) On sait avec les prévisions notamment de l’IRM que la température va augmenter et donc ces moustiques vont remonter de plus en plus vers le nord et la Belgique. Donc une surveillance s’est mise en place avec l’aide de SCIENSANO et avec l’Institut de Médecine Tropicale en Belgique. L’objectif est de surveiller ces moustiques, et plus particulièrement le moustique tigre, pour sa plus grande capacité vectorielle à transmettre des maladies exotiques comme la dengue, le Zika et le chikungunya qui pourraient arriver chez nous. (…) La raison de l’établissement des moustiques exotiques en Belgique tient à ce qu’ils se déplacent avec les personnes et les marchandises (…) L’autre raison est bien sûr le changement climatique bien sûr, parce que les conditions météorologiques sont plus favorables. »

Marielle Smeets

« Quand on parle de changements climatiques, inévitablement on pense au GIEC qui a fait un travail remarquable depuis maintenant plusieurs décennies à essayer d’extraire, de synthétiser, d’évaluer… …le changement climatique. Quelque chose est moins discuté, malheureusement, à savoir l’impact du changement climatique, sur nos vulnérabilités et (…) sur notre bien-être – non seulement le bien-être psychologique, le bien-être familial, le bien-être organisationnel mais aussi sur les changements structuraux dans les communautés, c’est-à-dire les hôpitaux, les maisons de repos, les écoles, etc. »
« …selon le GIEC et toute la communauté scientifique, il y a des impacts indirects du changement climatique sur la santé mentale. (…) On perçoit des changements autour de nous, on en prend conscience ensuite, et puis on se représente les risques possibles du changement climatique ou de la dégradation environnementale… (…). Ça va susciter des émotions parfois très fortes, parfois invalidantes… La plus communément étudiée, c’est la Climate Anxiety qu’on traduit souvent en français par éco-anxiété (…) »
« (…) on ne sait absolument rien du tout sur l’éco-anxiété. (…) Il est grand temps de se bouger pour clarifier ce que ce sont les éco-anxiétés, ce que ça représente, ce que ça mesure, parce qu’effectivement on voit ici qu’il y a une forte demande sociétale (…) Tout le monde en parle (…) Il y a une demande qui est là mais il n’y a pas vraiment de réponse, ou, en tout cas, de réponse adéquate de la part de la communauté scientifique. »
« (…) last but not least, (…) l’âge est sans surprise un facteur important. Plus on est jeune, plus la sévérité et l’impact fonctionnel sont présents. Au-delà de notre étude, on le sait, on le voit souvent, parce que ce sont des jeunes qui sont engagés pour le climat (…) Une fameuse étude publiée en 2021 dans The Lancet Planetary Health, portant sur 10.000 adolescents dans 10 pays différents du monde, met en évidence des inquiétudes définies via les aspects cognitifs et émotionnels de l’anxiété et arrive au chiffre de 59%. C’est spectaculaire ! Alors ici une petite remarque : 75% d’entre eux, j’insiste, ont l’impression que leur futur est condamné. »
« Comme message, j’ai envie de dire que “oui, l’éco-anxiété une menace potentielle”, et c’est aussi un problème de santé publique parce que si on ne peut plus fonctionner dans son travail, ou se rendre à l’école, etc., on vit en fait une altération de la vie quotidienne, une altération interprétable en termes de santé. Mais est-ce que c’est toujours une mauvaise chose ? (…) ça pourrait être en fait un sacrifice : on serait très mal par moment mais ce serait pour un bien. D’un point de vue de la recherche purement fondamentale, l’anxiété est une émotion, et la peur aussi. Cette émotion nous rend vigilant pour réagir à des menaces potentielles. Typiquement, l’une des premières réactions d’un rongeur qui sort d’hibernation, est de repérer, parce qu’il hyper-vigilant, si un prédateur pouvait survenir. Il augmente ainsi ses chances de survie. Donc c’est important, parce qu’en fait l’anxiété, tout comme la peur d’ailleurs, sont des émotions qui nous préparent à faire face à un danger s’il se produit. Dans nos sociétés, on est très mal à l’aise avec nos émotions, et plus particulièrement par rapport à ces émotions dites négatives. Pourtant, celles-ci sont hautement adaptatives (…) Cela étant, ça ne marche que lorsque l’anxiété n’est pas trop intense. Dans les relations entre prédateurs et proies, on voit effectivement que la proie, pourchassée par un prédateur va réagir sur le mode fight or flight, par l’effet de la peur et de l’anxiété. Il est possible cependant que se produise un phénomène de paralysie quand l’anxiété est trop forte : freezing. Ça s’arrête soudainement et puis voilà, la mort s’ensuit. Autrement dit, quand l’anxiété et la peur ont une intensité trop élevée, elles ne desservent plus cette fonction adaptative. »
« “Est-ce que l’éco-anxiété fonctionne comme l’anxiété en général ?”. Ce serait une bonne chose que son intensité reste dans une bonne moyenne car, lorsqu’elle devient invalidante et qu’elle entraîne des troubles fonctionnels, elle empêche l’adaptation à l’environnement. (…) l’éco-anxiété devrait, dans le meilleur des cas, être associée à des comportements pro-environnementaux ou éco-vertueux. »
« L’éco-anxiété, ce n’est ni bon ni mauvais en soi. Ça dépend de l’intensité (…) En fait, c’est un levier qui peut amener le changement. (…) La grande question, (…) c’est celle de savoir comment faire pour rendre ses émotions mobilisatrices et non dévastatrices. »

Alexandre Heeren

« De quoi parle-t-on quand on parle d’inégalités sociales ? C’est un fait que nous ne sommes pas tous égaux face à la santé, alors ces inégalités entre nous et entre groupes, dépendent à la fois de facteurs génétiques et physiologiques mais aussi de facteurs sociaux. (…) Plus de 90% des différences de santé sont dues à des facteurs sociaux. »
« Globalement, on a plus de 80% dans les 20% les plus riches de la population qui s’estiment en bonne ou très bonne santé. Si l’on prend les 20% les plus pauvres, à l’autre bout de l’échelle du statut socio-économique, on voit qu’ils ne sont plus que 61,2% à s’estimer en bonne ou très bonne santé, 25,6% qui estiment jouir d’une santé moyenne et 13% d’une mauvaise ou très mauvaise santé. »
« Des études ont été menées en nombre croissant pour identifier comment les paramètres environnementaux peuvent impacter ces inégalités sociales de santé. Par exemple, je pense à des études qui sont menées sur la capacité à chauffer suffisamment sa maison, d’autres sur l’accès à l’eau, d’autres sur l’accès à des sanitaires (…) Ce ne sont que des exemples de ces indicateurs qui révèlent les inégalités environnementales. »
« (…) les populations et les groupes sociaux ne sont pas tous égaux face aux pollutions, aux nuisances et aux risques environnementaux, pas plus qu’ils ont un accès égal aux ressources et aux aménités, aux aménagements et aux environnements agréables sur le plan environnemental. (…) dans la définition de ces inégalités environnementales en santé, on doit considérer deux éléments, (1) (…) on va être plus ou moins exposés à des pollutions de différents types, à des risques, selon le groupe social auquel on appartient. (2) (…)il y a non seulement un différentiel d’exposition mais encore un différentiel de vulnérabilité, c’est-à-dire cette capacité à faire face aux conséquences de ces risques. C’est lié au niveau de revenus, au niveau d’éducation, à l’origine ethnique, à tous ces paramètres qui vont nous armer plus ou moins efficacement pour faire face à ces risques environnementaux. On n’a pas tous les mêmes ressources économiques, pas les mêmes ressources juridiques non plus (…) »
« (…) ces inégalités sont injustes précisément parce qu’on ne peut pas les attribuer à la responsabilité des personnes qui les subissent. C’est véritablement dû à la structure de nos sociétés et aux inégalités sociales qui continuent à perdurer au sein de ces sociétés. »
« L’accès aux ressources naturelles de base, – par exemple l’eau ou l’énergie – ou à des ressources naturelles – du type espace vert, forêt, rivière, littoral – n’est pas le même pour tous. Ces inégalités se manifestent aussi dans l’impact qu’on peut avoir sur l’environnement de par son mode vie : dans un contexte d’épuisement des ressources et de dégradations de l’environnement, nous n’avons pas tous la même capacité à agir sur notre propre environnement. (…) Ces mêmes inégalités affectent également la capacité à se saisir aussi des actions collectives ou publiques qui permettent d’agir sur son propre environnement et à bénéficier des effets et enfin l’accès à la prise de parole et aux décisions – on sait que ce ne sont pas toujours les groupes les plus impactés par ces changements environnementaux qui ont accès à la prise de parole, à la prise de décision publique, qui va permettre d’agir sur cet environnement. Ça, ce sont des enjeux qui sont vraiment essentiels si on veut pouvoir agir sur ces inégalités environnementales en santé. À l’ULB, l'Equity Health Lab (EHL) œuvre dans le souci d’agir avec les jeunes (…) C’est un projet qui s’est centré en priorité sur des publics migrants, lesquels sont directement impactés par le changement climatique, qui va favoriser et favorise déjà aujourd’hui d’importants phénomènes migratoires. On sait aussi que ces publics migrants sont particulièrement vulnérables (…) ces personnes ont peu accès à la parole, peu accès aux leviers de décisions. »
« L’amélioration de l’accès à la santé pour tous, c’est évidemment un enjeu majeur de nos systèmes de santé et d’accompagnement social. Notre réflexion est basée sur le fait qu’à travers l’enseignement, on a la possibilité d’agir sur un levier essentiel, puisque ce sont des populations importantes d’étudiants qui peuvent être concernés. Autre point de départ de notre réflexion : c’est à travers l’exercice pratique en situation réelle, ancrée véritablement dans les communautés, que ces apprentissages peuvent être réalisés et non pas uniquement à travers des enseignements théoriques, qui sont bien sûr importants mais on a besoin aussi de confronter nos étudiants à ces situations et à ces publics pour qu’ils développent les compétences nécessaires. »

Céline Mahieu

Notices biographiques

Céline BERTRAND

Infirmière pédiatrique de formation, enseignante à la Haute École Louvain en Hainaut, experte en santé publique et en éducation à la santé. Elle est membre de la Cellule Environnement Santé de la Société Scientifique de Médecine Générale.

Catherine BOULAND

Biologiste et docteure en sciences, professeure à l’ULB. Elle a travaillé au sein du centre de recherches en santé environnementale et santé au travail de l’École de Santé publique de l’ULB, en développant en particulier l’enseignement de la santé environnementale.

Alexandre HEEREN

Chercheur qualifié auprès du FNRS, professeur en sciences psychologiques à l’UC Louvain après une spécialisation à Harvard et une expérience clinique auprès de patients souffrant souvent de troubles anxieux. Il dirige le laboratoire d’études du stress et de l’anxiété à l’UC Louvain et conduit des recherches sur les mécanismes de l’anxiété du stress et de la résilience.

Eddy KAY

Docteur en médecine, membre du Cercle Élisée Reclus.

Céline MAHIEU

Sociologue, professeure à l’École de Santé publique de l’ULB, directrice du Centre de recherche en approches sociales de santé (CRISS) et codirectrice de l’Unité Recherche Soins Primaires à l’ULB. Ses recherches portent notamment sur les actions publiques en matière de santé, d’inégalités sociales, les zones urbaines, le bien-être au travail et les métiers de la santé. Elle pilote le Equity Health Lab (laboratoire d’équité en matière de santé) qui est un projet pédagogique interfacultaire.

Marielle SMEETS

Ingénieure agronome, experte en développement durable. Elle travaille au SPF Santé publique et Environnement, Sécurité de la Chaîne Alimentaire et Environnement dans la Cellule Corporate and Strategy de la présidence du SPF. Elle a travaillé sur la justice environnementale, les inégalités environnementales et de santé et elle est responsable de la mise en œuvre au niveau belge de One World One Health.


4e Rencontre Elisée Reclus
Quelles innovations pour quels progrès ?
Namur, 13 avril 2024
Présentation de la thématique
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Avant-propos à la Rencontre
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Enregistrement de la Rencontre
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Extraits des interventions

« Élisée Reclus est beaucoup plus nuancé dans cette leçon de progrès. (…) Pour lui, ceux qu’il appelle ses frères primitifs sont des sources d’inspiration parce que les sociétés plus petites, qui sont en harmonie avec la nature, ont beaucoup de choses à nous apprendre. Il parle de progrès mais aussi de régrès, c’est-à-dire des moments où les choses n’avancent pas toujours forcément vers un mieux, vers un idéal (…) L’idée de progrès chez Élisée Reclus, c’est “l’idéal est de savoir tout utiliser, d’employer les déchets, les résidus, les scories, car tout est utile entre les mains de celui qui sait ouvrer. Le fait général est que toute modification, si importante qu’elle soit, s’accomplit par l’adjonction au progrès de régrès correspondants.” »
« L’innovation, c’est avant tout des promesses technologiques. C’est l’idée qu’on va pouvoir améliorer la vie grâce à la technologie. L’innovation, fondamentalement, c’est un mixte d’invention – ici en général technologique – et de marché : on va produire des biens, des services, des nouveaux procédés, qui vont pouvoir être utilisés et éventuellement sélectionnés et rendus disponibles sur le marché. »
« L’économie de la connaissance, c’est quelque chose qui démarre dans les années 1990-2000 : c’est l’idée qu’on va créer une Europe compétitive, basée sur l’innovation technologique. Ça crée de nouvelles alliances plus profondes entre les universités et les industries ; ce sont maintenant, finalement, les entreprises et l’industrie qui vont en partie financer la recherche alors que ces choses-là ont existé de tout temps (…) à partir des années 2000, l’innovation devient un véritable mantra politique pour transformer la société et en faire une société qui est basée sur la croissance économique. »
« (…) un vrai clivage au sein de notre société : on a d’un côté, l’étonnant impact de l’innovation, de la croissance (…) Sous la forme d’une croyance, un nouveau mythe, et c’est pour cela que ça correspond vraiment à une métaphysique, un mythe : les technologies vont nous sauver (…) »

Grégoire Wallenborn

« Je suis révolté parce que je remarque que la plupart des gens savent ce qu’on devrait faire au niveau social, au niveau politique, au niveau environnemental, mais cela ne se fait pas. »
« (…) j’ai été invité pour tenter d’expliquer comment les entreprises conçoivent le progrès et l’innovation. (…) <Dans ce monde-là>, le terme progrès n’est plus utilisé ; vers le tournant des années 2000, le mot innovation, surtout en Europe, a pris sa place du mot progrès. (…) C’est vraiment une croyance répandue dans les entreprises : la croissance économique amène automatiquement le progrès. (…) Au niveau pratique, quels sont les objectifs d’une entreprise ? Je reprends <ici> exactement ce que le Ministère (français de l’Économie) en dit : trois objectifs, (1) maximisation du profit, (2) maximisation du chiffre d’affaires, et (3) le bonheur de la société, (…) <qui reste> à définir. »
« Les entreprises sont des tribus extrêmement pyramidales. (…) un homme qui décide de tout. Ce n’est pas un fantasme. Je travaille en entreprise, en tant que consultant, et j’ai travaillé avec des centaines d’entreprises (…) Toujours vous avez quelques personnes et quand je dis quelques, c’est 20 au maximum qui décident, et qui décident sur base de quoi ? Leur objectif – donc l’objectif stratégique de l’entreprise – est faire du profit et d’augmenter le chiffre d’affaires. »

Gauthier Dupont

« …pourquoi avons-nous besoin d’innovation selon l’institution publique financière la plus grande d’Europe <la BCE> ? Eh bien pour sa contribution à la croissance économique. C’est dit, c’est clair, c’est simple ! (…) toutes les politiques européennes sont orientées dans cette direction : l’innovation est définie comme le moteur de notre future croissance. »
« (…) c’est au sein des universités, qu’a lieu la recherche fondamentale qui bénéficie d’un certain financement public (…) les entreprises (…) veulent pouvoir bénéficier des idées qui sortent de la recherche fondamentale mais elles ne veulent pas la financer parce que cela coûte super cher. (…) Comme l’innovation, c’est le moteur de notre croissance et c’est donc ce qui nous fait vivre, forcément, il va falloir que les gouvernements financent ce niveau d’échelles (…) »
« Pour citer Milton Friedman, la seule responsabilité des entreprises est de faire du profit : “ce qui est bon pour General Motors, est bon pour l’Amérique”. Voilà, aujourd’hui, la question est de savoir s’il y a vraiment encore des gens qui croient sérieusement cela (…) Des voix s’élèvent contre ce diktat (…) ce n’est pas parce qu’on innove, qu’on innove et qu’on innove que le monde va de mieux en mieux (…) »
« Il faudrait innover non pas pour inventer un autre monde mais pour en empêcher le délitement. Alors on a le choix : soit on s’engouffre dans la voie du déterminisme, en considérant que l’avenir va nous tomber dessus ou bien alors on réfléchit en libre-penseur et en se disant “non : les innovations, on peut en faire quelque chose qui serve vraiment la planète”. Chez Materia Nova, pour pouvoir reprendre son destin en main, on s’est dit qu’il fallait démocratiser notre entreprise et donc finalement repolitiser tout le monde de l’économie (…) »

Marylise Ledouble

« …comment ça se fait qu’une très bonne invention – les antibiotiques – avec une très bonne technologie, est devenue une catastrophe pour la santé humaine ? …il y a des facteurs biophysiques, des mutations de microbes, l’infiltration dans l’eau, l’affaiblissement de notre système immunitaire, et cætera, et il y a aussi des facteurs financiers et économiques tels que le profit de Big Pharma, de l’agro-industrie, pour l’argent… il faut donner à toutes les bêtes des antibiotiques et donc ça déclenche des changements biophysiques… et il y a aussi> des facteurs culturels (…) D’emblée, on va prendre des antibiotiques parce qu’on veut un quick fix ; on n’a pas le temps d’être malade, on veut être compétitif, etcetera… (…) …’était une bonne technologie qui allait faire avancer le bien-être et la santé mais dès que ça sort dans la réalité complexe de la société, il y a des effets pervers. Donc on se demande, du point de vue systémique, comment ça se fait que les experts n’ont pas vu ça (…) aucun expert, aucun chercheur n’a voulu délibérément créer un grand risque pour la santé humaine ! »
« Nos universités sont construites comme ça, avec que des facultés séparées et chacune d’entre elles considère une toute petite partie de la réalité sans voir comment elle interagit avec d’autres (…) Les économistes, par exemple, ne connaissent pas les lois de l’entropie, de la thermodynamique donc ils parlent d’une croissance éternelle (…) voilà ! C’est bon ! Parce que pour mesurer le progrès économique, on utilise l’argent comme unité de mesure et l’argent, ça peut croître à l’infini. Il n’y a pas de limites physiques à l’argent (…) C’est un chiffre sur un compte donc du coup si ça facilite les attractions avec la planète, les intérêts, les transactions économiques, alors la planète, elle va aussi devoir être dans une croissance éternelle (…) »
« C’est la structure de notre université : des spécialistes et des facultés séparées, qui ne se comprennent pas entre elles et une pensée linéaire : on va faire avancer le progrès, la croissance, etcetera, sans considérer comment, comme avec les antibiotiques, ça commence à interagir avec d’autres agents. Et là le progrès disparaît (…) »
« (…) notre conception de développement est disconnectée de la réalité de la planète et cela vient d’un effet de Tour d’Ivoire, ça vient du fantasme selon lequel l’homme a été créé à l’image de Dieu, etcetera. On ne fait pas partie de la réalité (…) beaucoup d’indicateurs nous disent que ce n’est pas uniquement la technologie qui est falsifiée : c’est en fait le paradigme scientifique en soi, c’est-à-dire cette vision selon laquelle la planète fonctionne comme une machine qu’on peut démanteler et améliorer. C’est cela qui ne fonctionne pas. »
« On est incapable d’imaginer comment on peut avoir un niveau de développement élevé tout en restant quand même dans les limites de la planète. On conclut qu’on va avoir moins de bien-être ou on pense que les pays qu’on appelle peu développés ne pourront plus avancer. Parce qu’avancer, c’est (…) exploiter la planète (…) Et si on doit exploiter moins la planète, on pense qu’on va reculer : la décroissance fait peur aux économistes (…) c’est synonyme de stagnation économique (…) le problème, ce n’est pas un manque de savoir ou de science ; c’est plutôt un manque d’imagination (…) »
« …la physique quantique dit que dans la réalité, il y a une partie de déterminisme, de causalité mécaniste et ça, c’est vrai, mais il y a aussi une très grande partie dans l’espace-temps qui n’est pas déterministe mais qui est probabiliste. Ce n’est pas parce qu’on connaît les lois de la nature que l’on peut prédire à partir du moment du Big Bang à quelle date en Chine le COVID va apparaître. »
« La vie, c’est une danse, c’est de l’émergence (…) un nouveau microbe qui apparaît quelque part, une nouvelle forme de COVID, personne ne peut la prévoir ou la prédire (…) et donc là il faut reconnaître que, non, on n’est pas comme Descartes le pensait, en dehors de la nature ; en fait, on fait partie de la nature et, non, ça ne fonctionne pas de façon linéaire et contrôlable, c’est vraiment une danse – émergence, autocatalyse, etcetera (…) »

Anne Snick

Notices biographiques

Gauthier DUPONT

Ingénieur-physicien (ULB), directeur « énergie industrie » chez NGK Europe.

Anne GOLDBERG

Membre du Cercle Élisée Reclus

Marylise LEDOUBLE

Licenciée en sciences commerciales et financières et en sciences politiques, est directrice des ressources humaines chez Materia Nova et vice-présidente de Wallonie Entreprendre.

Anne SNICK

Philosophe de l’éducation, membre du Club de Rome, experte de l’approche systémique dans des domaines tels que la recherche, l’innovation responsable et économie régénérative.

Grégoire WALLENBORN

Physicien, docteur en sciences de l’environnement, chercheur-enseignant interdisciplinaire sur les questions « énergie, société, technologie » (ULB).


5e Rencontre Elisée Reclus
Quels scénarios d'avenir pour parer aux urgences ?
Prospective, anticipation et science-fiction
Charleroi, 4 mai 2024
Présentation de la thématique
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Avant-propos à la Rencontre
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Enregistrement de la Rencontre
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Extraits des interventions

« Je l’affirme haut et fort, je pense qu’il n’y aura pas de démocratie au XXI siècle si on ne démocratise pas l’avenir. La politique a toujours été affaire d’avenir. Plus que jamais, surtout que l’avenir s’est beaucoup compliqué. (…) Se méfier des émotions. Et c’est là que, d’ailleurs, moi, sur la question environnementale, je trouve qu’il y a beaucoup trop d’émotions et que ça aboutit, finalement, à un moteur de transformation, qui est la peur. La peur est mauvaise conseillère. Et je pense qu’on arrive à un chaos décisionnel. (…) refaire confiance dans les humains, au lieu de constamment (…) asséner des discours qui font peur (…) revenir à ce que les citoyens constatent, parce qu’ils ne sont pas idiots. Ils le voient bien qu’il y a des problèmes, mais qu’est-ce qu’ils voient réellement ? Qu’est-ce qui fait partie du discours ? Qu’est-ce qui fait partie de leur réalité ? Et si on repart peut-être de leur réalité, de ce qu’eux voient, de ce qu’eux anticipent, d’améliorer ces anticipations, peut-être qu’on peut les re-responsabiliser, enfin c’est en tout cas mon pari, les re-responsabiliser vers un système que j’appelle ce système micro-décisionnel qui est très lié, bien sûr, à la démocratie. »

Marie-Hélène Caillol

« La prospective soutient (…) deux attitudes d’engagement par rapport à l’avenir, que sont la préactivité et la proactivité. (…) la prospective, c’est une approche qui a une volonté aussi transformationnelle, vu qu’elle vise à anticiper les futurs afin de les influencer vers des futurs qui sont meilleurs. (…) Rob Hopkins (…) dit qu’en fait, face aux défis sociaux, écologiques, contemporains, la plus grande crise à laquelle on fait face, c’est une crise de l’imagination. En fait, beaucoup justifient l’inaction face aux défis climatiques et environnementaux en disant qu’il n’y a pas d’alternative. Et la prospective, ce qu’elle permet de montrer, c’est qu’en fait, il n’y a que des alternatives. Et tout ce qu’il faut faire, finalement, c’est les concrétiser via des changements de société. (…) on sait qu’à l’avenir, les risques environnementaux sont appelés à s’intensifier dans leur ampleur et dans leur fréquence, notamment les risques de vagues de chaleur, d’inondations. La prospective peut être extrêmement utile pour anticiper ces futurs risques, identifier les vulnérabilités, vu qu’on n’est pas tous égaux face à ces risques – certains sont plus vulnérables que d’autres – et pour développer des stratégies pour construire la résilience face à ces risques. Aujourd’hui, on n’est pas du tout dans cette logique d’anticipation (…) On est aujourd’hui dans cette logique de non-anticipation et de gestion de crise et donc il est essentiel de passer vers une logique beaucoup plus anticipative et la prospective peut nous y aider. »

Aurore Fransolet

« …Nancy Fraser, une philosophe américaine, (…) vient d’écrire un livre qui s’appelle Le Capitalisme cannibale (…) Elle représente le capitalisme comme cette sphère qui s’appuie sur trois autres plus petites sphères : l’écologie de la planète, le pouvoir politique, la reproduction sociale (CARE). (…) ces trois sphères conditionnent la possibilité du capitalisme. Il n’y a pas de capitalisme si ces sphères n’existent pas. Et ce qui caractérise ces trois sphères, c’est leur gratuité : ce ne sont pas des biens marchands. Mais la vocation du capitalisme, c’est de les marchandiser, chacune de ces trois sphères. (…) on peut lire les conflits contemporains sur les intersections entre chacune des sphères et le capitalisme, qu’elle appelle des luttes frontières : ce sont les luttes écologiques, les luttes sur tous les enjeux féministes, par exemple, et tous les enjeux post-coloniaux, etc. (…) on parle ici de crise systémique : évidemment, on est dans une crise qui touche à l’ensemble de ces enjeux et qui met profondément en cause le capitalisme. (…) la sécurité sociale, (…) s’est développée réellement avec le capitalisme, avec l’économie productiviste-extractiviste. Elle a soutenu cette économie. (…) et le système alimente la sécurité sociale. Alors évidemment, la grande question quand on envisage la transition et la crise écologique, c’est comment penser, faire évoluer le modèle économique : ça, c’est l’objet même de la transition, c’est une transition qui est économique mais qui est aussi culturelle, qui va nous toucher dans toutes les dimensions de la société, de nos existences. Et comment penser la fonction et l’existence de la sécurité sociale qui, elle, est presque consubstantielle au système capitaliste ? »
« Il se fait que par ailleurs, sous l’influence de différents facteurs, notre système de protection sociale aujourd’hui a de plus en plus de difficultés à remplir son rôle de stabilisateur du système économique et d’amortisseur social des crises. (…) Mais ces paramètres qui étaient très congruents au début – c’est-à-dire qu’on voyait clairement qui cotisait, combien on cotisait, combien on recevait de prestations, qui étaient les bénéficiaires, sur quoi était basé le financement –, ces paramètres sont devenus avec le temps de moins en moins lisibles et le système tel qu’il est aujourd’hui est en perte aussi de légitimité pour beaucoup de personnes, bien qu’il continue à remplir un rôle très important. Mais c’est là qu’on est aujourd’hui. L’enjeu, en fait, pour demain, c’est de pouvoir articuler des politiques économiques qui vont être une économie différente de celle d’aujourd’hui, du moins, on doit le souhaiter. C’est vers ça qu’on doit aller, si on veut y arriver, si on veut surmonter la crise écologique. Des politiques sociales, et on vient de dire à suffisance à quel point la cohésion sociale et la démocratie étaient fondamentales pour réussir cette transition, et des politiques qui vont permettre d’affronter la crise écologique en cours et de mitiger cette crise écologique pour demain. Et donc, le système de sécurité sociale, on doit à la fois penser à la transformation du mode de production et s’appuyer sur un autre mode de production, et permettre d’affronter des risques qui sont liés aux changements sur le marché du travail, qui sont liés à la transition verte : il va y avoir du chômage, des restructurations, des reconversions, former à des nouveaux métiers, etc., et la sécurité sociale va devoir s’occuper de ça. Elle va devoir aussi accompagner des politiques de transition en termes de mobilité, d’énergie, d’industrie. Est-ce qu’elle ne doit pas, par exemple, s’engager à couvrir le droit à la mobilité, <pour> pouvoir bouger d’un endroit à un autre ? Est-ce qu’on peut mutualiser ce genre de choses ? Et de manière générale, donc, elle va devoir s’attaquer à ce qu’on appelle aujourd’hui la pauvreté climatique, qui est toute cette pauvreté qui vient s’ajouter aux formes de pauvreté qu’on a connues avec l’industrialisation et qui font que de plus en plus de gens n’arrivent pas, par exemple, à se mouvoir, à se chauffer quand il y a une crise énergétique. »

Pascale Vielle

« …l’anthropocène c’est quoi ? C’est bien une nouvelle époque, dans l’histoire de la Terre, une époque où les activités humaines ont un impact majeur sur l’ensemble de la planète. (…) ce qui est intéressant de souligner, c’est qu’on le retrouve déjà (…) chez Élisée Reclus, (…) dès la fin du XIX siècle, avec cette idée que les humains en société modifient bel et bien leur environnement. (…) derrière l’idée d’Anthropocène, il y a l’idée que les impacts sont démesurés par rapport à ce qui a pu se passer dans les époques précédentes, à la fois à l’échelle spatiale – c’est bien l’ensemble du système Terre qui est impacté – mais aussi au niveau de la durée. »
« (…) ce qui me semble important de retenir, ce sont trois dimensions : La première, c’est que l’anthropocène, du point de vue du débat, permet une forme de dialogue entre les sciences dites de la nature et les sciences humaines et sociales, notamment en réfléchissant sur les interactions entre nature et société, là où, auparavant, on avait tendance à les considérer comme étant deux compartiments bien séparés, bien hermétiques. (…) rapport entre nature et société, mais on pourrait dire aussi entre science et politique (…) Deuxième chose qui me semble importante, (…) c’est effectivement l’enjeu historique : on a beaucoup parlé de crise, (…) et la crise, c’est toujours un point de passage : (…) il y a eu ce moment de crise et puis on est passé (…) Or, l’anthropocène, il n’y a pas de retour à la normale : c’est quelque chose qui dure dans le temps. C’est justement ça qui caractérise l’époque géologique, c’est que ça va durer encore pour un bon nombre d’années. Donc il faut bien réfléchir, nous réfléchir, à la manière dont nous comptons nous installer. Je vous donne juste un exemple : (…) les gaz à effet de serre que nous émettons aujourd’hui ont des impacts sur des centaines et des centaines d’années. Donc l’anthropocène n’est pas une crise écologique, climatique. C’est autre chose. C’est une époque. Et cette époque va encore durer pour quelques temps. »
« Je vous propose trois scénarios, trois pistes : (…) la première piste que l’on trouve et qui est discutée aujourd’hui, c’est la piste techno-solutionniste. (…) il y a des solutions plus ou moins loufoques aujourd’hui, plus ou moins technologiques : ça va de l’isolation thermique des bâtiments à la voiture électrique en allant coloniser Mars. (…) ce techno-solutionnisme considère que l’anthropocène est un problème qu’il faut régler au moyen de techniques, avec de l’innovation. Ça, c’est aussi le discours dominant <qui> suppose qu’il y a des progrès technologiques qui nous permettront de sortir de l’anthropocène. Et ça pose aussi des problèmes démocratiques et politiques, puisque ce qui est sous-jacent derrière tout ça, c’est bien une forme de technocratie, des solutions qui sont imposées par le haut à l’ensemble des citoyens et des citoyennes. (.) Deuxième scénario, celui du développement durable (Sustainability). (…) ça participe d’un discours de légitimation de ce qu’on pourrait appeler un capitalisme vert. On parle d’ailleurs de croissance verte, comme si effectivement il était possible d’intégrer des impératifs écologiques dans l’économie, mais tout en continuant le business as usual, donc de poursuivre la croissance économique propre au capitalisme. (…) toujours produire plus, mais en dépensant moins. C’est ça, l’idée centrale de la sobriété énergétique, en tout cas telle qu’on la propose dans le discours dominant. Ce qui est intéressant de souligner aussi, c’est que cette idée de croissance s’inscrit dans une conjoncture historique bien déterminée, ce que certains ont proposé d’appeler la grande accélération. Et c’est l’une des dates que l’on a retenues pour faire commencer l’Anthropocène. La grande accélération, c’est ce qui se passe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les années 50-60, essentiellement dans l’hémisphère nord, mais ça a des répercussions évidemment un peu partout, où on voit un ensemble de facteurs socio-économiques (…) qui explosent littéralement. (…) c’est ça l’Anthropocène : une série de phénomènes naturels qui eux aussi ont cette propension à exploser. Donc c’est intéressant de relier l’idée de croissance économique ou d’accumulation capitaliste, pour le dire en termes marxistes, avec cette idée de grande accélération. Alors, qu’est-ce qu’il faut opposer à cela ? Certains parlent du coup de grand ralentissement, comme s’il fallait tirer le frein d’urgence à cette grande accélération, où cette machine, cette voiture dans laquelle on serait tous et toutes embarqués malgré nous. Et donc on parle dans ce cas-là de post-croissance, voire de décroissance. Tout ça peut paraître très utopique, parler de décroissance, mais je pense que c’est intéressant de ramener tout cela aussi au fait, notamment dans les sociétés occidentales, l’hémisphère nord dans lequel nous nous situons, que la croissance est bel et bien en berne. On est déjà dans une période de post-croissance ou de décroissance. Depuis quand ? Depuis les années 70, avec la crise pétrolière, qui est aussi les années où paraît le fameux rapport du Club de Rome. Donc en fait, nous sommes déjà dans une situation de décroissance. Et toute la question, c’est de savoir comment est-ce que cette décroissance va être juste et démocratique. Sachant, et ça a été rappelé par Pascal Vielle à l’instant, que notre modèle de justice sociale jusqu’à présent a reposé sur l’idée d’augmentation des richesses en vue d’une meilleure répartition de ces mêmes richesses. Ça, c’est un des enjeux importants, me semble-t-il. (…) Troisième chose, (…) l’effet de sidération : on a l’impression qu’on est embarqué dans la machine et que plus rien ne pourra nous en faire en sortir. Je crois qu’il faut lutter, c’est aussi un enjeu politique, lutter contre cet effet de sidération. Et ça passe notamment, me semble-t-il, par l’idée de multiplier les temporalités possibles : il n’y a pas un seul temps possible qui est celui imposé par la grande accélération, mais il y a bien des temps possibles et même nécessaires politiquement aujourd’hui. »

Louis Carré

« (…) ce qui manque aujourd’hui, ce sont des émotions positives vis-à-vis de futurs alternatifs, parce qu’on voit (…) des personnes éco-anxieuses qui ne savent plus agir pour lutter contre les changements climatiques et tous ces problèmes environnementaux. Et ce qui manque aujourd’hui, ce sont des futurs alternatifs qui soient positifs, souhaitables et qui soulèvent des émotions plus positives, de l’envie, de l’enthousiasme, qui favoriseraient, je crois, ces changements et ces transformations fondamentales dont on a besoin pour les mettre en place. (…) la prospective peut être justement intéressante pour développer ce type de futur avec des émotions également auxquelles on pourrait les rattacher. »

Aurore Fransolet

« (…) pour revenir à un intervenant dont je ne voyais au départ pas la raison d’être dans le débat, <et qui parle de> la science-fiction. Voilà la science-fiction qui est la résurgence de tous les vieux mythes. Généralement, il y a là tout un volet de mythologie dans la science-fiction et qui démontre quoi ? Mais qu’à l’heure actuelle, les dirigeants, les entreprises, les politiciens, les gens qui organisent le système nagent dans la science-fiction. Quelqu’un l’a souligné, et j’ai noté tous les points positifs, quelqu’un a souligné les guillemets à “développement durable”. Mais c’est de la science-fiction. Le développement n’est pas durable. “Il y a une limite aux bornes”, me disait ma grand-mère. Et donc, est-ce que vous ne pensez pas, chacun avec votre spécialité, que les faits parlent tellement par eux-mêmes qu’il est trop tard pour faire l’analyse ? Est-ce que vous ne pensez pas que les gens qui dirigent ce système, on l’appelait comme ça déjà en 1968, le Système, sont derrière les policiers qui tapent sur les manifestants ? Mais même ces gens-là vont se rendre compte que ça ne sert à rien de remplacer leur vieille scie d’artisan par une scie électrique ! La branche sur laquelle ils sont assis va se couper plus vite. C’est tout ce qui va se passer. Et donc, les faits vont parler. Et je voudrais lutter (…) contre le pessimisme. Le pessimisme ne sert à rien. L’optimisme est la condition première pour trouver une solution à un problème, parce qu’il faut commencer par croire qu’il y a moyen d’en trouver une. Et l’humanité et l’anthropocène, c’est aussi, vraiment, c’est dans le débat. »

Une personne dans le public

« (…) je suis justement quelqu’un d’assez éco-anxieux. D’ailleurs j’exorcise un petit peu tout ça à travers mes livres <de science-fiction> et j’ai beaucoup de mal à me projeter de façon positive. (…) j’aimerais bien aussi avoir des émotions plutôt positives par rapport à l’avenir, et pas toujours réfléchir de façon négative. Ayant dit cela, je comprends tout à fait l’idée d’être détaché des émotions à partir de l’analyse, ça me semble logique, avec mon œil extérieur (…) »
en réponse à l’intervention précédente : « (…) je pense honnêtement qu’on est à la fin d’un cycle et que naturellement ou pas, la branche va finir par se scier. Je crains les dégâts qu’elle va faire quand elle va tomber (…) Donc vous parliez tout à l’heure du grand coup de frein. Moi, j’ai l’impression qu’il va arriver, mais indépendamment de notre volonté. Je n’ai pas de doute sur le fait que ça va s’arrêter, en tout cas que notre civilisation telle qu’on la connait va s’arrêter. Mais comment va-t-elle s’arrêter ? Quelles en seront les conséquences ? C’est plutôt ce qui me fait peur à ce niveau-là. »

Geoffrey Claustriaux

« (…) Peut-être juste revenir sur la question de la science-fiction. Je pense que la croissance a été effectivement un mythe. Et un mythe qui a été très performant dans les années 50-60. Rappelez-vous. (…) ça marchait très bien. Maintenant, on se rend compte que ce grand récit ne fonctionne plus, ou plus aussi bien. Et donc, c’est ça aussi l’une des questions : c’est de savoir comment créer un récit politique qui ne soit pas basé sur ce mythe, qui est de toute façon fini, mais sur autre chose. (…) pour citer une phrase célèbre de Gramsci, “pessimisme de la raison, optimisme de la volonté”, je crois qu’il faut être très lucide sur ce qui nous arrive, tout en gardant effectivement une dose d’optimisme pour ce qui est de nos capacités d’action politique. »

Louis Carré

« J’avais une question en fait par rapport à l’éducation. Vous avez parlé beaucoup de démocratie aussi, et moi, quand je pense à la démocratie, j’y pense un peu comme un outil : si on a appris à l’utiliser très bien, ça va bien tourner (…) on a déjà un peu oublié comment s’en servir. Je suis une maman et je m’inquiète vraiment très fort par rapport à l’éducation (…) Quelle est sa place dans tout ça ? J’en viens à me dire que, de toute façon, on ne pourra rien faire dans l’urgence parce que si on (…) veut respecter la démocratie, tant qu’on n’a pas embarqué une majorité de la population, on n’y arrivera pas et ça passe par l’éducation (…) Et l’éducation, ça prend du temps ! »

Une personne dans le public

« C’est important (…) de se rappeler que la conscience qu’on développe ici n’est pas partagée dans toute la société. (…) Je n’ai pas de réponse, à aucune des questions, mais plusieurs des questions m’ont évoqué une piste qui n’a pas été explorée aujourd’hui mais peut-être qu’elle l’a été dans d’autres rencontres, qui est celle des communs… Les communs, c’est vraiment cette idée qu’il y a des choses qui ne seraient ni le marché, ni le public, mais qui seraient cogérées, co-décidées, mutualisées, liées à un potager collectif, une épicerie sociale, que sais-je (…) j’ai l’impression qu’en termes d’expérience à la fois d’éducation, de prise de conscience et d’expérience démocratique – celle des expériences très fructueuses, ce qui pourrait être des pépinières de nouveaux modèles futurs (…) Et je me dis que c’est peut-être une piste pour les Rencontres Élisée Reclus de travailler davantage sur les communs parce qu’il y a beaucoup de chercheurs qui travaillent là-dessus aujourd’hui et beaucoup d’expériences qui sont faites (…) et voilà, je pense qu’il y a beaucoup de choses à en apprendre (…) »

Pascale Vielle

« (…) oui, je pense aussi qu'il faut raconter des récits pour le futur, comme vous le faites <Geoffrey Claustriaux> (…) mais ce qui est vraiment intéressant, c’est de revisiter les anciens récits (…), comme le font certains auteurs parce que c’est ça qui permet de se projeter dans des devenirs différents (…) Je pense notamment à un mouvement auquel je m’intéresse : les écoféministes – elles ont énormément travaillé sur la question du récit. L’exemple emblématique qu’on cite souvent, c’est celui de Sylvia Federici, Caliban et la sorcière. Elle a revisité le grand récit de l’histoire – elle est historienne – (…) le grand récit de l’histoire du capitalisme en montrant comment il avait exclu les femmes, maltraité la terre, maltraité le sud (…) Elle explique tout ça de manière fort convaincante. Par la suite, elle a été extrêmement discutée par la communauté scientifique et disputée par la communauté scientifique et de manière assez (…) ça ressemble même plus à de l’acharnement à certains égards (…) »

Anne Golderg

« (…) notre démarche se veut systémique parce que, finalement quand chacun ne voit que son problème, il n’en résout qu’une partie et il en entraîne d’autres, à côté, à gauche ou à droite. La vision systémique, elle n’est ni évidente ni facile parce que l’esprit humain n’est pas préparé à ça (…) »
« Alors que sont donc ces réalités qu’on a analysées sous quatre façons au cours des quatre précédentes Rencontres Élisée Reclus ? La première, c’est l’économie : on a beaucoup discuté du capitalisme, du néolibéralisme, de l’économie de marché, de tous ces machins, dans ce genre-là. Par ailleurs, j’ai entendu Pascale Vielle qui a dit que le capitalisme marchandise tout, et c’est vrai. (…) La seconde Rencontre nous a parlé des limites planétaires, dont le dépassement annonce l’effondrement (…) Ensuite, on a parlé, dans la troisième, de santé planétaire : le CO2 à la limite, on peut le faire disparaître en cent ans mais tout ce qu’on envoie (…) sur notre belle Terre, dans les airs, dans les eaux (…) on ne pourra pas s’en débarrasser en cent ans : les polluants éternels, c’est un milliard d’années ; le plutonium cher à certains, deux millions deux cent mille années pour la demi-vie. (…) On y a aussi parlé des inégalités sociales (…). »
« La quatrième Rencontre Élisée Reclus traitait de l’innovation et du progrès. (…) beaucoup d’espoirs dans la science mais la science ne va pas sauver le monde ; elle l’a construit. Elle l’a coconstruit (…) Pourquoi la science ne va rien résoudre ? Parce qu’elle est en grande partie inféodée à la technologie, à l’industrie, parce que l’analyse mathématique du langage qui vient de la science (…) n’est peut-être pas très appropriée à étudier la nature à mon sens (…) »
« Alors comment conclure tout ça ? La meilleure conclusion, elle n’est pas de moi. Elle est de Bruno Colmant, dite lors de la première Rencontre Élisée Reclus : “on ne peut pas être dans une logique de capitalisme et d’accumulation qui nous caractérise tous, dans une logique de consommation, dans une logique de jouissance narcissique du présent, au détriment du futur et en même temps préserver la planète. Ce n’est pas possible. Nous sommes dans une logique où aujourd’hui nous voulons absolument profiter du présent, peut-être d’autant plus qu’on sait qu’il n’y a pas d’avenir, au détriment de ce même avenir. C’est ça la réalité”. »

Eddy Kay

Notices biographiques

Marie-Hélène CAILLOL

Sociologue et linguiste de formation, est notamment co-inventrice de la méthode d'anticipation politique. Son parcours professionnel lui a fait traverser diverses organisations supranationales (UE, UN, ONG...) sur les thèmes : construction européenne, démocratisation, anticipation, géopolitique (crise systémique globale) et modes de fonctionnement en réseau. Elle dirige depuis 2005 le Laboratoire Européen d'Anticipation Politique, un think tank dédié à l'étude, à l'application et à la formation à la méthode d'anticipation politique et a publié le Manuel d'Anticipation Politique (Anticipolis, 2010) et plusieurs articles sur l'anticipation politique.

Louis CARRÉ

Philosophe, enseignant et chercheur à l'Université de Namur, où il co-dirige le centre Arcadie (Anthropocène, histoire, utopies). Ses travaux portent sur la philosophie sociale et politique en lien notamment avec les questions écologiques de notre temps. Avec ses collègues du centre Arcadie, il a récemment lancé un dictionnaire critique en ligne de l'Anthropocène : https://arcadico.hypotheses.org/.

Geoffrey CLAUSTRIAUX

Écrivain, scénariste et vidéaste web belge. Ses œuvre de scientifique publiées à partir de 2008 ont rencontré un grand succès. Il se présente comme un grand fan d'Howard Phillips Lovecraft qu'il considère comme l'un des écrivains d'horreur les plus influents du XXe siècle, ainsi que son principal modèle. En 2016, il a fait partie du jury du Festival international du film fantastique de Bruxelles (BIFFF) sous la présidence de Jaume Balagueró. Depuis 2017, il fait partie du jury de chaque édition du concours de nouvelles fantastiques organisé conjointement par la Confédération Parascolaire, la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Festival international du film fantastique de Bruxelles, les Éditions Livr'S et la COCOF.

Aurore FRANSOLET

Docteure en sciences de l’environnement, chercheuse postdoctorale au sein du Groupe de recherche sur les dynamiques socio-environnementales (SONYA) de l'Université libre de Bruxelles (ULB). Elle développe une ligne de recherche prospective sur la gouvernance des problèmes environnementaux dans une perspective de socio-économie écologique. Ses travaux portent sur l'exploration de visions de futurs alternatifs écologiquement soutenables, ainsi que sur les changements politiques nécessaires pour les concrétiser.

Pascale VIELLE

Professeure de droit social à l’UCLouvain (Faculté de droit, FOPES, Institut Iacchos). Elle a travaillé à l’OIT et à la Commission européenne et a été la première directrice de l’Institut fédéral pour l’égalité des femmes et des hommes (2004-2006). Spécialisée dans la comparaison et la gouvernance des systèmes de protection sociale, elle inscrit ses travaux dans une perspective de genre et adopte une approche néo-institutionnaliste. Depuis 2019, elle questionne ses objets de recherche à partir d’une réflexion fondamentale sur la crise écologique, qui l’a conduite à s’intéresser aux travaux des écoféministes, aux approches pragmatiques du droit, à la théorie du care, ou encore aux enjeux de démocratie dans la réforme, la gouvernance et le contrôle de la protection sociale.


Introduction
RER1
extraits
notices bio
RER2
extraits
notices bio
RER3
extraits
notices bio
RER4
extraits
notices bio
RER5
extraits
notices bio
 
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