Abandonner le mythe de l’économie triomphante : une question existentielle pour l’humanité ? (version du 5/12/2023)


Bruxelles - 25 novembre 2023
Les idéologies du XXe siècle se sont effondrées. Dans ce vide de la pensée, la tentation du repli sur soi et la montée des aspirations autoritaires ou fascisantes sont les symptômes d’un modèle économique qui s’est imposé depuis 40 ans : le néolibéralisme et le capitalisme financier. C’est au XVIIe qu’apparait l’émergence concomitante de l’État, de la science, du capitalisme, des réseaux scientifiques, commerciaux et coloniaux modernes avec en particulier l’émigration de sectes protestantes vers l’Amérique du Nord, qui jetteront les bases de sociétés idéales aux valeurs fortement influencées par leur conception de la prédestination.
Dans la foulée de la physique newtonienne naissante, le philosophe écossais Adam Smith formulait un siècle plus tard les premières « lois naturelles de l’économie ». La théorie classique considère que le travail doit s’ajuster au capital, que les ressources sont inépuisables et gratuites ; elle ne tient compte ni des externalités négatives (pollution), ni des activités non rémunérées (travail domestique et bénévolat), ni des limites de la planète. Elle suppose une croissance infinie dans un monde fini.
Exportée aux États-Unis où naitra le capitalisme anglo-saxon, elle renaitra dans les années ’80 sous la forme néoclassique, substrat idéologique de l’ultralibéralisme dans une société productiviste obnubilée par son indicateur fétiche, le produit intérieur brut (PIB). Forts de leur victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis étendront leur emprise sur le monde, en particulier l’Europe, grâce à ce modèle et à son pouvoir d’attraction à grande échelle. Or le capitalisme européen – rhénan – ne correspond pas au même ensemble de valeurs car il préconise un État doté de larges compétences au bénéfice des citoyens, l’État-providence. Ces deux capitalismes se sont avérés d’autant plus incompatibles que d’une part leur rapport au temps est historiquement inversé – contemplation du travail accompli sur fond culturel catholique ; domestication de la nature et préemption sur l’avenir sur fond culturel protestant – et d’autre part, la mobilité du travail est totalement différente des deux côtés de l’Atlantique. Cette mobilité s’est récemment déployée à la faveur de la numérisation, imposant dans nos contrées des pratiques de fragmentation, de précarisation et d’ubérisation des conditions de travail.
Le néolibéralisme est donc devenu un amplificateur de l’angoisse de l’avenir, alors qu’il est impératif d’en même temps restaurer les équilibres climatiques et environnementaux. Alors que l’économie devrait être au service de, et inscrite dans la société, elle-même intégrée dans son environnement, c’est l’inverse qui s’est produit. L’économie domine le monde. Tout cela sur base d’une imposture intellectuelle puisque la théorie néoclassique est viciée à la base par des hypothèses fausses et des raisonnements mathématiques qui le sont tout autant. Après quarante ans d’un tel régime étendu à la planète, le résultat est sans appel : une société occidentale en fin de vie, des États de droit en péril, des populations épuisées et précarisées, des circuits criminels possédant plus de richesses que certains États, une corruption grandissante et une planète au bord de l’asphyxie.
Seuls pourraient y subsister le 1 % d’ultra-riches tentés par la sécession.
Le véritable débat, auquel nous vous convions, porterait sur ce qui doit ressortir à la sphère marchande d’une part et aux biens et services publics d’autre part, dont le financement et les bénéfices sont mutualisés, sur l’instruction publique et civique, sur l’instrumentalisation des sciences et techniques par le marché, sur les valeurs protégeant les relations humaines permettant d’assurer la cohésion sociale, de faire société. Cela, dans le cadre de la restauration de l’État au service d’un projet démocratique soucieux de faire participer et de protéger les citoyens, partenaire respecté du secteur privé, en bref « gouvernant car prévoyant ».
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